Alsciaukat
| Sujet: Fragment #134 – Landes désolées 13.04.08 18:19 | |
| Samedi 1er mars 2008 à Joué-lès-Tours Les bribes de mon rêve s'effilochent lentement tandis que la musique s'infiltre dans ma tête. Je profite quelques secondes de cette douce léthargie, cet état où rien n'a vraiment d'importance, sans que rien ne soit vain pour autant. Un état où l'on est simplement bien. Puis j'émerge. Le plafond est là, devant moi, sur lequel se projette l'heure. Plus loin, ma chaîne diffuse de la musique classique. Je me lève. Vêtements. Je prends le premier polo de la pile dans l'armoire, puis un boxer, une paire de chaussettes. La musique continue d'emplir la pièce. Je retire mon caleçon, enfile le boxer, puis les chaussettes, puis le pantalon de la veille abandonné au sol. Je passe la tête par le col du polo, passe un sweat abandonné sur une chaise. C'est fait. Je sors de ma chambre et tombe sur Léa, les cheveux ruisselants dissimulés sous une serviette bleutée, le corps enveloppé dans un peignoir blanc. Elle me sourit, bien réveillée par la douche, et je m'abîme un instant dans la chaleur de ses yeux, ces étincelles dorées qui tournoient pour moi. Nous nous séparons. Je descends dans la cuisine, sors deux verres, le jus d'orange, une bouteille d'eau, la brioche, du nutella, de la confiture et du beurre. Les couverts pour tout ça. Je m'installe et commence à découper quelques tranches de brioche. Jérôme et Christelle dorment encore, dans leur chambre au rez-de-chaussée, ils ne travaillent pas aujourd'hui, et ne sont pas contre une petite grasse matinée de temps en temps... Léa me rejoint, et nous mangeons ensemble, dans un silence quasi complet, à peine interrompu par quelques questions de l'ordre du contenu de nos cours respectifs. Cela fait, nous remontons, nous lavons les dents l'un à côté de l'autre (très difficile de ne pas paraître trop stupide en se lavant les dents à côté de quelqu'un qu'on aime). Je regagne ma chambre et me dirige vers mon bureau pour préparer mon sac. Un feuillet attire alors mon attention. Je le saisis. C'est un poème.
Le soleil fatigué donne ses feux carmin Aux landes désolées où ne poussent plus guère Que quelques touffes d'herbes et des plants de bruyère, Rien qu'une flore acerbe et hostile aux humains. La terre est devenue une plaie empourprée, Les cailloux mis à nus brandissent leurs arrêtes Sous les cieux placides qui encor sécrètent Leurs averses acides flétrissant les prés.
Au milieu de la plaine coule une rivière Dont les vagues malsaines charrient des déchets Qui s'échouent, misérables, tout contre les pierres.
Seul se dresse un érable aux racines léchées Par le courant rougi dont la puissance assomme Son large tronc où gît le cadavre d'un homme.
C'est mon écriture. Et je ne me souviens pas l'avoir écrit. J'ai du me lever cette nuit pour l'écrire, et je ne m'en souviens pas. Je ne me sens pas très bien. Je n'aime plus ça. Léa apparaît dans l'encadrement de la porte, son sac sur l'épaule. « Tu es prêt ? » J'acquiesce en silence, laisse tomber la feuille sur le bureau et place mon classeur de physique dans mon sac pour rejoindre Léa. | |
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