Bételgeuse
| Sujet: Fragment #106 - Et le torrent se divisa en de multiples particules 13.04.08 20:08 | |
| Mercredi 28 février 2007 à Dijon Une série de tests… vérifier… éviter les excès… Foutu médecin. Tous les mêmes. Et ses putains de pastilles pour la gorge ne font aucun effet. Je tire un mouchoir déjà taché de sang de ma poche, et crache poumons et boyaux sur la surface brouillée. Le ciel est d’un gris qui m’éblouit lorsque je lève mon regard du sol. Une série de tests… juste pour vérifier que tout va bien… Tu peux te la foutre où je pense, ta série de tests, je sais déjà que rien ne va, et que jamais plus rien n’ira. Mes muscles se contractent douloureusement à chaque pas, comme pris de crampes qui ne passeront pas ; ils me mènent machinalement le long de ce chemin trop connu. Les habitudes me pèsent. Ne rien changer, alors que je sais que bientôt il sera trop tard. De plus en plus insupportable. De l’air, pitié, donnez-moi de l’air frais et pur, ne me laissez pas m’encrasser dans cette monotonie morbide. « Pardon ! » Je le bouscule, ouvre la porte. Attend… Comment ça je LE bouscule ? Toujours comme une mécanique bien rodée, j’ouvre la boîte aux lettres ; quelle conne, je n’ai même pas fait attention à quoi il ressemblait ! Publicités, facture EDF… Ca en devient lassant. Entre temps l’inconnu s’est faufilé par la porte avant qu’elle ne se referme. Je n’ose pas lever mes yeux de fille défoncée par la maladie sur lui. « Je euh… Je cherche mon frère. » Je relève la tête. Et plonge… L’océan. Le torrent glacé. Alors, il a un petit frère ? « Euh… Au deuxième. A droite. - Merci. » Son pas n’est pas très décidé, mais il monte les escaliers. Est-il là ? A-t-il deviné, le serpent, le poison ? Je me demande s’il va lui ouvrir… C’est ça que j’aurais du faire… Aller le voir au lieu d’attendre qu’il vienne. Mais pour dire quoi ? Salut Romain, j’espère que tu te souviens de moi, parce que je n’ai sûrement plus longtemps à vivre ! Tu veux du thé ? Ridicule… Je me remets à tousser violemment ; mes yeux s’humidifient de larmes sous la douleur. Sans même m’en rendre compte, je m’effondre, adossée au mur, laissant tomber le courrier que j’avais dans les mains. J’entends ses pas dans les escaliers. Ils ont le même rythme que ceux de son frère. Je sens ses yeux posés sur ma silhouette encore recroquevillée ; je lève les miens sur son visage de gamin, déconfit. Toi non plus il ne te donne plus de nouvelles, hein ? Le feu contre la glace ; le métal en fusion contre la cascade violente. Aucun de nous n’ose bouger. Il se retourne violemment ; la porte met quelques secondes à me laisser tout à fait seule, éparpillée parmi les papiers. | |
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