Fragment #120 - Almodovar Connection : Part 2

L'air chargé d'états secondaires colle à ma peau, mes bras, mes veines ; guimauve trop sucrée qui s'invite dans mes organes et les fait tourner au ralenti. Un peu partout dans le vieux hangar, des gens s'embrassent et se déshabillent à côté d'autres qui boivent, sniffent, fument. La main dans la poche de mon vieux jean, je serre, entre mes doigts qui tremblent un peu, je serre entre mes doigts les billets froissés qui me permettront d'acheter ma dose. Si je trouve. Pour le moment, personne n'a l'air de vendre.
A quelques mètres de moi, de dos, un grand brun. Mon estomac se retourne à l'intérieur ; et si c'était lui ? Ce serait plutôt logique. Faites que ce soit lui... Non, que ce ne soit pas lui. Sylvia, tu sais très bien que c'est pour ça que tu es venue ; je fais quelques pas en sa direction, me planque vers un canapé. Le mec se retourne ; je pars à la recherche d'un verre.
Putain Sylvia, tiens-toi au moins une fois à une décision que tu as prise. Si je le croisais comme ça, par hasard, ce ne serait pas comme si j'avais cherché à le revoir, non ? Du deuxième étage, enfin de la plateforme qui sert d'étage, est suspendu un grand linge blanc. Quelques vieux canapés, du même acabit que ceux qui constituent le gros de la déco, pour mater la projection. Le mec devant a l'air totalement déchiré. Je m'effondre en soupirant, à côté de lui.
Il n'a rien. Putain je vais péter les plombs, c'est dingue avec la concentration de drogués au mètre carré, de pas pouvoir acheter ne serait-ce qu'un gramme ! Le mec me sert un whisky. J'écoute à peine ce qu'il me dit.
« ... Tu tournes à quoi vu comment t'es montée ? » Je relève les yeux dans les siens. Petit con. Je tourne à ce que je trouve. Les images m'hypnotisent. Madrid défile devant mes yeux. Penelope Cruz, etc., pendant que sa voix grave me berce. Il arrête de parler quelques secondes, également plongé dans cette agitation de couleurs. Lorsqu'il reprend la parole, le ton est tellement violent que je sursaute.
« Putain on fouille toujours trop, et toujours dans la merde, faut juste savoir s'arrêter deux minutes. Ouais, pourquoi t'es là ? » Je tire une latte en réfléchissant. Pourquoi suis-je là ? Pour le retrouver...
« Emmerdes avec mon fournisseur, faut bien chercher quelque part. Qu'est-ce que tu fous là si ça t'emmerde tant que ça ?
- Qu'est-ce que je branle ici ? Qu'est-ce que... J'ai vaguement... En fait je matte. Ouais c'est ça, j'ai sorti mon complet noir histoire de dépareiller, j'ai pris un foutu train pour atterrir dans cette foutue soirée. »
Son regard s'est arrêté sur mes lèvres, la fumée qui en sort, l'alcool qui y entre.
« Et je matte et je bois... Dis-moi, tu m'as l'air d'une splendide spirale infernale, toi. La sortie exit, c'est pour quand ? »
Il a l'air tellement sérieux que j'éclate de rire. Si tu savais... La sortie !
« Le grand final, pas à moi de décider.
- Ah, oui. Moi je ne décide ni de ça ni de rien en ce moment. Mais tu vois, la poussière d'ange, ça te colle à la peau, plein de conneries là-dedans. Le crâne blindé, euphorique, j'en crache des images à dormir debout. Mais tu t'en fous, tu te crois jeune et immortelle, hein, c'est ça ? C'est ça... »
Il commence sérieusement à m'énerver, avec ses belles phrases qui disent tout. Je parcours en pensée son corps un peu sec, je le griffe, je le mords. D'une pointe de poignard, je dessine sous sa peau le serpent noueux qui occupe mon esprit. De mes dents j'arrache un peu de sa chair, et enfonce mes doigts dans le trou ainsi formé. Hurle, petit, hurle ta douleur, jouis de sentir ma main fouiller à l'intérieur de ton corps, tu aimes ça, hein ? Remuer la merde, comme tu dis ; ne me remues pas trop, ou tu le regretteras.
Je lui souffle ma fumée dans le nez. « Beaucoup moins que tu ne le crois. »