Fragment #9 - Le Plan

« Ca va pas te défriser ! »
Pan, la journée commence bien. La rédac' chef qui me balance un dossier à la con. Et elle me le balance en pleine gueule, alors que je m'étais passablement assoupi. Youpi. Je réajuste le petit pot de fleur sur mon bureau bousculé dans la tempête. Le vieux buvard de récup' et le gobelet à dent. Le temps d'ouvrir le dossier, sous le regard impatient de La chef.
« Tu vas me traiter ce truc là, c'est toi qui t'y colle, festival de musique de chorale à... à... je ne sais plus où, tu verras bien. Allez, et bon week-end. »
Quoi ! Elle se tire en plus ? Le vendredi, c'est permis. Enfin surtout pour Marie-la-chef. J’t'en foutrais moi à c'te petite brune tenace. Elle aime bien s'agiter, surtout les réunions des lundis matins confondant son stylo avec une cravache. Elle fait tout le temps de grands gestes, genre on va conquérir la terre, l'audimat et les bovins qui l'habitent. En fait elle aime agiter tout et tout le monde. Bien, direction : pile de dossier à traiter ultérieurement. Autre chose à foutre. Non parce qu'avec les derniers jours passés, j'ai quand même pensé à échafauder un plan. Ouais un plan, rien que ça. Ouais, c'est le jour J, l'instant I, le gong a gongué ! Et, bonus, ma nouvelle carte d'identité est valide jusqu'en 2017. Il est temps de se réatteler à tout ça. Le plan ? Ah oui, laissez-moi chercher mes petites notes. Non, pas dans ce tiroir, non plus... là, dessous le cadavre de Jack. Voi-là. Alors, petit ah. Continuer à essayer de trouver un moyen de contrôler mes hallucinations. Histoire que ça serve un peu plus, que ça soit utile à mon petit bé. Petit bé, petit bé -fredonne un air- Petit bé -Les trouver- Ouais bon ben ça, ça coule de source. Petit cé ; passer voir l'Antiquaire s'équiper. Bien, ok. Et petit dé : penser à faire des courses, le bar est vide. Perfecto ! Une clope, le ciel est gris, il pleut vaguement sur les vitres du building du mag'. Y a plus qu'à... Espérer que je vais tenir la journée sans dérailler de la carafe, du moins, avant ce soir. Vous me suivez toujours là ? Bon, prends ta caméra toi, on va dehors.
Deux trois trucs à boucler, l'après midi se passe, mairie, virgin, café à l'amandine. J'observe les gens, la foule des visages anonymes et anodins. Ils se font interpeller par des blousons jaunes. Aujourd'hui avec eux, tu peux soulager ta conscience en souscrivant un forfait solidarité. 20 euros, c'est 2 enfants sauvés, promo. Mais merde ! Le café prend un goût plus amer. Le ciel s'assombrit ? Je sais que la bête respire encore. La nuit, elle respire encore. Je ne dois pas somnoler... Pile ou face ? Pile je m'attèle à cette Sylvia. Face je déboule chez l'Antiquaire. Il en connaît un rayon sur les mecs qui interrogent dans des salles obscurs avec des lunettes d'aviateurs, des montres à gousset et des bottes en cuir.
Pile.