Fragment #19 - Au milieu de tous ces carnassiers en chasse

Je suis venu passer le weekend à Paris. J'ai déposé mes affaires chez Laura et Simon, où Alex va rester deux jours avec moi. Ca m'embête un peu de les déranger, moi qui ne suis pas le frère de Laura, mais ils m'ont assuré que j'étais le bienvenu.
Histoire de ne pas être trop collant, et de laisser les deux Firent passer un peu de temps ensemble, c'est Julian qui s'occupe de moi ce soir. Julian et ses nouveaux colocataires, la sympathique et marrante Juliette, et le bizarre Sergueï. Simon est là aussi.
Je trouve Julian un peu étrange et renfermé, mais sans doute est-ce dû à sa récente guérison.
Nous retrouvons Lance, le petit ami de Juliette, avant d'aller dans une boîte de nuit dans le Marais.
Le Marais. Tous ces regards braqués sur mon jeune corps mal habillé de provincial, dans les rues, sur mon visage, sur mes cheveux. Tous ces hommes qui me regardent et salivent. Je ne veux pas être votre objet, je ne veux pas qu'on me regarde comme ça !
Julian me paye à boire (je me demande avec quel argent). Et je consomme à petites gorgées pour ne pas être saoul trop vite et ne pas perdre le contrôle de ma lucidité. Je ne voudrais pas me retrouver dans un coin avec quelqu'un dont je n'ai pas envie.
« Allez Lilian, lâche-toi ! »
J'essaye de danser au milieu des autres. Au milieu de tous ces hommes surfaits, de tous ces regards arrogants et qui jouent à être sûrs d'eux. Au milieu de tous ces carnassiers en chasse.
« Lâche-toi Lilian, amuse-toi ! »
C'est facile à dire, Juliette, mais je ne me sens pas faire partie de ce monde, moi. Je ferme les yeux et je repense à Dijon, au Dionysos, à Louis, à Déborah. Je repense à des soirées en petit comité, avec les seuls gens que j'aime. Cette musique trop forte m'abrutit, est-ce qu'on ne peut pas la mettre un peu moins fort ?! Et puis je ne sais pas danser, arrêter de me regarder, je me sens ridicule, je vais me rassoir.
« Eh non, me retient Sergueï, reste ! Faut que tu danses si tu veux choper ! »
Hein ? Mais je sais pas danser, et je veux pas « choper » ! Je veux juste rentrer chez moi, voir le garçon que j'aime, le lui dire, plonger dans ses bras et n'en jamais sortir.
Alors je me mets à courir, je traverse la foule, évite un grand type qui porte un débardeur si moulant qu'il semble faire partie de sa peau, et qui essaye de me retenir avec ses doigts de prédateur. Je sors de la boîte de nuit, peu importe ce que Julian, Juliette, Sergueï et Lance vont en dire.
Je me retrouve dans l'air froid parisien, sans ma veste, à moitié gelé. Des gens rient ça et là, un peu saouls sans doute.
Mon téléphone, vite. Je le sors de ma poche, commence à composer un numéro. Le numéro de Robin. Je le connais par coeur, même si je ne l'ai pas tapé depuis longtemps sur le petit écran.
Et puis je repense au fait qu'il est peut-être avec Laurent, en ce moment même.
Tant pis. Je range mon téléphone.