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 Fragment #41 - Rencontre avec Julian

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Aldébaran

Aldébaran



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MessageSujet: Fragment #41 - Rencontre avec Julian   Fragment #41 - Rencontre avec Julian Empty10.04.08 17:04

Lundi 21 août 2006
à Dijon

Mes doigts jouent avec ma gourmette. Reflets d’argents de ces trois lettres qui me définissent si bien. Je suis sur le canapé du salon. La télé est allumée, mais je ne la regarde pas vraiment. Mes yeux sont fixés sur mon petit bracelet qui tourne autour de mon poignet quand je l’agite. C’était ton cadeau Ariane. Pour mes dix-sept ans. J’avais grandi selon toi. J’étais un homme maintenant. Je pouvais enfin être quelqu’un. Porter la marque de mon existence à mon poignet. Mais maintenant tu n’es plus là. Pourquoi me fuis-tu, mon Ariane ? A mesure que j’avance dans le labyrinthe, suivant ton fil, j’ai l’impression que tu es de plus en plus éloignée de moi. Tu es à l’autre bout de cet écheveau que je déroule. Arriver au terme de la connaissance de soi voudrait-il alors dire qu’il faille que nous nous quittions ? Ce matin, tu m’as regardé dans les yeux, statue marmoréenne. Et ta gorge qui me plaque au sol. Tes yeux froids. Et tu m’as dit, hautaine, que quelqu’un était passé me voir samedi. Qu’il était resté planté devant toi, une boîte entre les mains, à murmurer mon nom, terrassé par ton implacable regard.
J’attends.
Depuis ces quelques mots échangés avec toi, et ton corps envolé en claquant la porte, j’attends. Je ne sais pas quoi, je ne sais pas qui. En fait, si. J’attends des nouvelles de Nathan, de Julian. Je joue avec ma gourmette pour passer les temps. J’attends le coup de sonnette qui mettra fin à mes espérances. Enfin savoir. Je joue avec ma gourmette la télé allumée en attendant que quelque chose n’arrive. Quelque chose d’étrange. Quelque chose d’extraordinaire.
C’est marrant comme le temps peut s’allonger indéfiniment. Mon corps affalé sur le canapé. Mon corps qui se traîne. Mon corps qui se déshabille, qui se glisse dans la douche. Sous ce jet brûlant et salvateur. Mon corps qui s’habille, qui se coiffe. Mon corps qui se traîne jusqu’à la cuisine, qui allume la télévision, qui vide le frigo, qui joue avec la poêle ; et l’huile qui tressaute. Mon corps sur la chaise. Mon corps devant l’assiette. Mon corps qui se remplit. Qui se vide aux toilettes. Mon corps dedans mon lit, ma tête lourde, puis mon corps qui se réveille. Mon corps qui descend les escaliers, mon corps qui allume la télé, qui se vautre sur le canapé. Mon corps qui éteint la télé, mon corps qui joue avec ma gourmette, mon corps qui va se ch…
Quelques coups frappés à la porte. Une poigne décidée, comme après une ultime réflexion. J’entends comme le mouvement de rotation du poignet entre chaque coup de l’index replié. Je me précipite vers la porte. J’espère. Ce sera Julian, j’en suis sûr. J’ouvre la porte.
Je me retrouve face à lui, Beauté incarnée. Je ne sais ce qui me prend d’abord. Un instant d’égarement. Mes yeux plantés dans les siens. Ses yeux d’un brun sombre dans lesquels semble brûler une flamme qui me ronge de l’intérieur. Des cheveux bruns encadrent un visage assez fin, deux sourcils interrogateurs. Nous faisons la même taille. Je n’arrive pas à définir ta beauté qui émane de tout ton être, et qui, je crois, repose dans tes yeux, dans cette flamme qui accroche mon regard au tien. Je pense en un instant à l’expression love at first sight, mais comme le coup de foudre qu’elle caractérise, elle s’évanouit aussitôt dans les méandres de mon cerveau. Il me dit qu’il s’appelle Julian Mahogany. J’acquièce lentement, nos yeux ne se quittent pas un instant. Oui, Nathan m’a parlé de toi. Sans un mot de plus, Julian me tend une boîte. Nos doigts se frôlent. Je sens comme un coup d’électricité qui part du bout de mes doigts, et traverse le couvercle d'ébène de la boîte, que je tourne et retourne. Qu’est-ce que Nathan a pu bien mettre là-dedans ? Je relève mes yeux vers lui, je le remercie d’avoir servi d’intermédiaire. A peine entre mes mains, cette boîte m’intrigue déjà. Vite, lui serrer la main, refermer la porte, et me jeter sur le sofa pour ouvrir la boîte. Julian m’interrompt alors, et me propose d’ouvrir la boîte avec moi. Mon regard remonte vers lui, je suis un peu surpris, en fait. Et je me demande : n’était-il qu’un passeur ? Peut être Nathan aurait-il voulu que nous l’ouvrions ensemble… Et puis merde, tout de même, on ne refuse pas à un si beau spécimen l’accès de son antre. Il ôte ses chaussures et me suit. Je l’invite à s’asseoir avec moi sur le canapé.
Dans la maison, tout est tension. Nous respirons au même rythme, ancrés sur les vibrations cosmiques de la boîte. Nous deux presque haletants. Un acte presque sexuel, au moins sensuel est en train de s’accomplir. Mes mains caressent l’acajou, trouvent les encoches aux coins de la boîte et font pivoter le couvercle. Nous penchons la tête en même temps, puis la relevons lentement. Nos regards de feu se retrouvent. Ni lui ni moi ne comprenons ce que tout cela signifie.

[cf. Julian #61]
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Fragment #41 - Rencontre avec Julian
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