Bételgeuse
| Sujet: Fragment #14 - La peau et le sang 10.04.08 19:57 | |
| Samedi 1er juillet 2006 à Dijon Bruit du frottement des ongles sur ma peau rougie par la salive de ces bestioles. Je viens de faire sauter d’un coup la minuscule croûte qui s’était formée après que j’ai arraché le bouton, ça me démange plus que jamais. Je devrais arrêter de me gratter, je ne peux pas, je ne peux pas. J’imagine tous les moustiques de la rue se tordre de rire en me voyant succomber à leur jeu infâme, je me lève, prend un bout de coton imbibé de citronnelle qui traîne depuis quelques jours, je voudrais en remettre, mais je me rend compte que le flacon est vide. Mes ongles laqués de rouge sang continuent leur va-et-vient sur la partie de mon épiderme qui n’est à présent plus qu’une plaque rosée, un peu enflée, parmi tant d’autres. Appel de Francis. Tiens, je n’y pensais plus. « Salut ma belle ! Qu’est-ce que tu racontes ? » Je pense à mon voisin aux yeux étranges, à son chapeau en feutre, à son gâteau que je n’ai même pas touché. Je pense à ma mère et à Madrid. Je pense à mes amitiés délaissées le temps d’une déprime passagère, je l’espère. Et je réponds : « Oh, rien de nouveau, les jours se suivent et se ressemblent. - Tu as réfléchi à ma proposition ? Ce n’est pas urgent mais j’aimerais bien partir au mois de juillet. » Silence. Il ajoute : « Ca me ferait plaisir de partir avec toi. » Je sais que c’est faux, que ce n’est qu’un stratagème pour que je dise oui plus vite, mais mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Ah tiens, j’ai encore un cœur ! « Je te dirai quand je suis dispos. Bye ! - Ca marche. Bonne journée ! » Je repose le téléphone à côté de mon lit, et m’assieds sur celui-ci. Une goutte rouge tombe violemment sur mon drap blanc. Il ne me manquait plus qu’à saigner du nez ! Je recueille le sang dans ma paume, le temps de chercher un mouchoir. Dans la salle de bain, peut-être ? Tout ce que je trouve, c’est du papier toilette. Mieux que rien. Je colmate, mais le sang remonte sur la feuille, qui est bientôt trempée. Oh merde ! Tant pis, je laisse couler, ça ne va pas durer indéfiniment. Je regarde les gouttes tomber les unes sur les autres dans ma paume, éclaboussant très légèrement mes doigts repliés. De plus en plus faiblement. Et bientôt, plus rien. Dois-je prendre ça comme un signe ? | |
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