Fragment #111 - Souvenirs d'hôpitaux

Je me tiens debout dans la chambre d'hôpital. Jé se tient assis dans le lit au centre de la pièce. Sofia est dans une autre chambre. Alitée, mais ça va aller. Les médecins m'ont juste dit qu'elle avait besoin de beaucoup de repos. Normal vu l'accident que l'on vient d'avoir.
« Mes parents me tiennent responsable de l'accident. »
Je ne sais quoi répondre à cela. C'est Jé qui conduisait cette nuit. Mais il n'aurait rien pu faire. Une voiture est arrivée en sens inverse et nous a percuté de face. Il n'y est pour rien. Mais je n'arrive pas à lui dire.
« Ils croient que c'est de ma faute si Marie est morte. Comme si je l'avais fait exprès. »
Son regard se perd dans le vide. Je n'ai toujours pas dit un mot. Je n'y arrive pas.
« Je suis sûr qu'ils auraient préféré que ce soit moi qui y reste.
- Ne dis pas ça Jé. Ils sont tristes, mais ils ne pensent pas ça.
- Va leur dire. Va leur raconter ce qui s'est passé. Ils ne m'écoutent pas. »
On ne devrait jamais être témoin de la détresse d'un ami. Enfin, je veux dire qu'un ami ne devrait jamais être en détresse. Je n'arrive pas à secourir mon ami. Je suis impuissant face à sa détresse.
« Tu devrais te reposer.
- Non. Je veux voir ma soeur.
- Je ne sais pas si c'est raisonnable, Jé.
- Tu te fous de moi ?
- Arrête. Calme toi. Ça ne changera rien. Ça ne la fera pas revenir. »
A son regard, je comprends que je suis allé trop loin. Je n'aurais pas du dire ça. On est pas dans un film là. On est dans la réalité. Et la réalité, elle craint déjà. Elle n'a pas besoin de répliques pourries pour craindre.
Je rejoins Sofia dans sa chambre. Quand j'arrive, elle essuie ses larmes. Je me blottis contre elle. Elle a juste quelques éraflures et une vertèbre qui a un peu bougé. Elle m'accueille dans ses bras et m'embrasse sur le front. Puis sa main vient chercher la mienne. Je ferme les yeux et expire longuement.
« Comment il va ?
- Mal. Et ses parents ne l'aident pas. »
Je me laisse bercer par les battements du coeur à Sofia. Rien de mieux pour m'endormir.
« Et toi ? Tu l'aides ? »
Elle vise juste et touche.
« Je n'en sais rien, Sofia. Je ne suis pas d'une grande aide. J'ai jamais su l'être.
- Tu as su l'être pour moi. Ne laisse pas tomber ton ami. C'est tout.
- Je ferai de mon mieux. »

Je me réveille en pleine nuit. J'ai encore arraché ma perfusion. J'ai pas besoin qu'on me soigne. Je n'ai pas su soigner les blessures de mon ami, alors je ne mérite pas. Et puis, je sais pas. J'ai plus envie des hôpitaux. Je me lève de mon lit d'un seul coup. Grave erreur. J'ai la tête qui tourne et la nausée. En un rien de temps, je me retrouve à quatre pattes, entraînant dans ma chute, table, verre et carafe. Ça ne passe pas inaperçu. Un infirmier accourt dans la minute. C'est le seul qui m'appelle par mon prénom depuis deux jours.
« Damien. Qu'est-ce que t'as encore fait ? Je te remets au lit, tout de suite.
- Je veux rentrer chez moi.
- Peut-être demain si tout va bien. Tu dois repasser un scanner demain. Et tu seras tranquille. Dans l'après midi, tu seras certainement dehors en train de crapahuter. Mais pour l'instant, avec la perfusion et ta fatigue, tu restes dans le lit.
- Je veux pas.
- Me force pas à t'attacher à ton lit. C'est ce qui arrive si on se tient mal. Sois patient encore une journée. »
Plus il est sympa, plus il est payé ? C'est ça ? Toujours est-il que je me laisse remettre au lit et la perfusion pour la deuxième fois. Il s'en va. Je referme les yeux et me laisse à nouveau envahir par mes pensées et mes souvenirs. J'ai horreur d'être ici.