Fragment #527 - Bienvenue dans mon cauchemar

« Maya ? Qu'est-ce que tu fous là ?... »
Je regarde la déesse mésopotamienne, collée à la grille de ma résidence. Et son corps, l'image de son être, me renvoie à mes fractures intérieures. Qui suis-je réellement ? Le sang et l'alcool bourdonnent dans mon crâne, et je ne reconnais plus la réalité. Je ne sais plus si je suis Julian, ou si une résurgence de Maya a repris le contrôle au cours de la nuit. En cet instant même, Lola doit se ronger les sangs, en découvrant, sur la table de chevet, les cachets que je n'ai pas avalé.
Maya me prend pas le bras et m'entraîne avec elle. Je n'ai pas la force de résister. D'un geste violent, elle ouvre la portière d'une voiture, me pousse sur le siège passager, m'attache de force et sans parler. Je ne me débats pas, abruti par l'alcool et la fatigue, et elle s'installe au volant, et démarre.
« On va où ?... je demande.
- Là où tu seras en sécurité. »
Les gens défilent, les lumières, floues dans la nuit. Mon front repose contre la vitre, lourdement. Des douleurs cognent à l'intérieur de ma tête. Tout s'embrouille. Je ne sais plus. Je ne sais plus qui je suis. Qui je suis. Comment je m'appelle. D'où je viens. Où je vais. Merde. Qui. Qui je suis. Un. Mon prénom. D'où je. Pourquoi. Et elle me parle et je ne comprends pas.
« Les gens de l'Enfer veulent ta peau, ils ont récupéré ton manuscrit.
- Quoi ?...
- Ils ont lu ton putain de livre, ils veulent t'éliminer.
- Merde... c'est quoi ces conneries ?!
- Ces conneries ont déjà essayé de te buter une fois et n'ont pas réussi leur coup. Cette fois, tu peux me croire, elles y arriveront. »
Je revois Florian, allongé dans le local poubelles, sans connaissance, bleuté. « Je suis la personne qui a sauvé ton frère de la mort début janvier lorsqu’une femme l’a agressé. » Maël était présent ce jour-là. Maël a tout vu. Il faut que je le retrouve.
« Il faut que l'on aille voir Maël, je dis dans un souffle.
- Quoi ?!
- Maël, c'est...
- Je sais qui est Maël, putain.
- Il sait tout, il était là, c'est qui a sauvé mon- qui m'a sauvé...
- Et merde, c'est encore plus compliqué que je ne croyais. »
Maya conduit comme une cinglée. Les pneus crissent sur la route, comme si nous étions poursuivis. Je sens la tête me tourner, je sens que je vais gerber. D'un coup d'œil, Maya inspecte mon teint et me lance :
« Si tu veux vomir, tu ouvres la fenêtre. Hors de question que tu dégueulasses ma voiture. »
Je ferme les yeux, puis les rouvre parce que c'est pire encore. Je fixe un point droit devant, essaye de me concentrer. Je ne veux pas vomir. Je ne veux pas vomir. Je ne veux pas vomir...
« On va où ? je demande à nouveau.
- Chez un ami à moi. Il s'appelle Lorenzo. Tu seras bien planqué là-bas, le temps que les choses s'éclaircissent.
- C'est une histoire de fous...
- A laquelle seuls les fous acceptent de participer. Bienvenue dans le monde réel, mon ami. Tu vas voir, c'est un véritable cauchemar. »