Fragment #43 - Les hommes ne seront plus des hommes

Assis devant la glace, sur les chiottes, je regarde mon visage. J'ai retrouvé cet air que tant de gens appréciaient avant. faciès anguleux aux joues creusées, celui-là même qui me valait des commentaires émerveillés de pseudo photographes. Je fume une clope, la laissant pendre à mes lèvres, le regard lointain, distinguant à peine ce qui m'entoure. Je suis redevenu l'Amaury d'avant. Et avant, c'était avant l'accident, avant Grégoire, avant de penser pouvoir aimer. Avant, c'était l'époque où rien n'avait de sens et cela me permettait de survivre sans aucun problème, partant du principe que tu n'as rien à me devoir, mais c'est réciproque. Avant. Aujourd'hui, c'est cette clope qui tombe au bout de mes lèvres et se consume lentement. C'est des toilettes enfumées, un brouillard diffus, moi assis sur les chiottes avec mon image en reflet, là, juste devant moi, les jambes écartées qui dévoilent le début de mon sexe, le pubis soigneusement arrangé, ni trop dense, ni trop dégarni, tout ce qu'il faut pour découvrir la base massive de ma queue.

Je décide finalement de laisser tomber la cendre et de tirer la chasse d'eau. Tout en me levant, je bats l'air de mes mains pour faire s'agiter la fumer. Commence alors une danse gracieuse qui m'amuse. Je suis défoncé. L'effet commence à se faire sentir et je m'émerveille d'un rien. De cette fumée qui s'agite, par exemple, et qui, pour quelqu'un de l'extérieur, quelqu'un qui serait lucide, n'est rien que de la fumée de cigarette, alors que j'y vois une danse. Je ris. Tout seul. Puis je décide de fermer le dernier bouton de mon pantalon, après plusieurs tentatives infructueuses, et j'ouvre la porte, laissant s'échapper ma danseuse. Pour rejoindre le reste de la troupe. Et la troupe, c'est Malik, mais aussi trois autres jeunes beaux sans saveur, mais aux corps minces et élancés, imberbes et satinés. La troupe est nue et chacun suce le sexe de l'autre, au point que je ne distingue pas vraiment qui est le propriétaire de ce sexe ou de celui-là. Il n'y en a pas un seul de libre et puis ça ne m'intéresse pas vraiment. Pas envie de foutre ma bouche. Juste envie de fumer une autre cigarette. Je m'installe sur le canapé en face de la troupe nue et j'allume une autre clope. Je les regarde sans vraiment les voir. Juste une masse de chair qui de temps en temps s'agite, en quelques soubresauts, et émet des feulements faibles, expression d'une jouissance violente et saccadée.

Jacqueline a appelé.

Malik sort la tête.

Merde, tu devrais arrêter ! Je ne comprends pas pourquoi tu fais ça.
Moi non plus, enfin je pense qu'il n'y a rien à comprendre. J'aime ça.
Mais c'est mal !
Tu parles !
Ben tu ne peux pas faire ça.

Un des garçons me demande ce que je fais. Je fais comme si je ne l'avais pas entendu. Il insiste. MAIS QU'EST-CE QUE TU FAIS QUI EST SI MAL ? Je le regarde. Attentivement.

On t'a pas sonné toi. Suce donc une queue ou même la mienne, tiens, et concentre-toi là-dessus.

Il me regarde et prend son air de faux homme qui saurait s'imposer ici, chez moi. J'attrape ses cheveux, sort mon sexe qui bande maintenant et le force à sucer. Il résiste légèrement, mais si peu.

Voilà... C'est beaucoup mieux. Tu vois ? Sucer, c'est ce que tu sais faire de mieux. Je te prendrai ton petit cul après, si tu es sage, d'accord ?

Il agite la tête. Je sens qu'il aime cette soumission. Moi, j'essaie de croire qu'il ne me dégoûte pas. Autrement, je vais débander et il va franchement ne plus servir à rien. Je tape les fesses d'un des autres jeunes et lui indique qu'il faut qu'il vienne mettre son anus au niveau de ma bouche. Avec ma langue, je vais titiller son petit trou. Puis j'enfonce un doigt. Un deuxième. Autant que je profite un maximum de ces gars-là. La vision de la scène excite Malik qui retourne l'un des jeunes et se met à le pénétrer sauvagement. Le dernier, délaissé, se masturbe en nous regardant.

Les hommes ne seront plus jamais des personnes, mais des choses, des objets sexuels, des cibles, des victimes. Je ne sais même plus si j'ai envie d'un ami. Malik n'en sait rien, mais il m'agace.