Fragment #47 - La Malle à souvenirs

Je me réveille doucement dans mon lit de petite fille, chez mes parents. J’entends déjà Maman me préparer mon petit déjeuner dans la cuisine, accompagnée du tintement des bols et des cuillères. Je lui ai dit hier soir que je n’avais pas cours ce matin et que donc je resterai un peu couchée… En fait j’avais cours, mais je sais que le jeudi est son jour de congé, et j’avais besoin de me retrouver un peu avec elle. Je sors doucement de ma torpeur, enfile un petit châle, et me dirige vers la cuisine. A l’instant où elle me voit, elle m’accueille d’un large sourire, doux et rassurant. Je me dirige vers elle et enfouis ma tête contre son cœur, au plus près de sa poitrine, comme un enfant. J’aime son odeur, je crois que ce parfum sera toujours le sien, et qu’il me rappellera pour toujours l’odeur rassurante de ma mère. Les effluves de son parfum se mêlent doucement à celles du chocolat chaud qu’elle m’a préparé, accompagné de pain tout frais. Je crois qu’elle a décidé de me bichonner ce matin !
« Assieds toi mon Cœur, mange pendant que c’est chaud ! Tu veux qu’on fasse quelque chose toutes les deux ce matin ?
- Ce que tu veux Maman, … tant qu’on le fait toutes les deux.
- Alors j’ai une idée, finit de déjeuner, habille toi chaudement, et je t’emmène quelque part ! »
J’adore quand elle fait ça, quand je sais qu’elle a prévu quelque chose et qu’elle me le garde secret jusqu’au bout. J’avale donc mon petit déj’ rapidement, file me doucher, et enfiler un jogging bien chaud, ce qui m’arrange puisque je ne rentre déjà plus dans mes jeans…
Quand je réapparais dans la cuisine, toute emmitouflée, elle éclate de rire.
« Je t’avais dit chaudement, mais si j’organisais une randonnée dans le Mont Blanc je t’aurais prévenu quand même !... On va simplement dans le grenier, madame l’aventurière ! »
Dans le grenier ?... Mais qu’est ce qu’elle va bien pouvoir me faire faire dans le grenier ?! Elle m’étonnera toujours je crois.
La surprise passée, je la suis donc jusqu’au grenier, poussiéreux et en effet, glacial. Elle bouge quelques boites, certains cartons, cherche un peu, fouille même… puis s’arrête. Elle se trouve devant une malle, une grande malle blanche toute poussiéreuse.
« Mais qu’est ce que c’est Maman, tu veux qu’on déménage des trucs ?
- Oh que non ma chérie, j’ai gardé tout ça bien trop précieusement pour qu’on le jette, surtout pas maintenant… »
Un trésor ? Dans notre grenier ?!
Et puis doucement, elle ouvre la malle sur laquelle je commence à deviner quelques dessins enfantins. Je la regarde, sans comprendre.
« Ma chérie tu as là tous les habits que vous avez eu ta sœur et toi quand vous étiez petites…Tous les jouets, les petites peluches etc.…
- Mais je croyais qu’on avait tout donné aux Restos du Cœur et aux petits bouts autour de nous ?
- Presque tout en fait, mais je n’ai pas pu me résoudre à tout donner comme ça. J’avais besoin de garder quelques affaires.
- Pourquoi tu montres ça maintenant Maman ?
- Tu sais ma chérie, tu es jeune c’est vrai, et un enfant est une grosse responsabilité. Je ne veux pas te dire que la vie sera rose tous les jours, et que tu n’auras jamais aucun problème. Mais si tu savais… Vous avoir, ta sœur et toi, a été la chose la plus magnifique de ma vie. Vous voir grandir jour après jour, devenir des ados terribles, et puis des jeunes filles tellement belles et douces. Avoir un enfant, c’est vraiment merveilleux, et nous serons là, avec Papa, pour t’aider à joindre les deux bouts et élever ce petit être que tu portes en toi… »
Les larmes coulent déjà à flots sur mon visage. Comment ai-je pu une seule seconde imaginer que je pourrais empêcher cet être de naître, de grandir, et de vivre toutes les choses merveilleuses que j’ai vécues déjà ? Qui suis-je pour décider que cet enfant n’a pas le droit à tous les bonheurs que j’ai eu ?
Bien sûr, je n’ai que vingt ans. Bien sûr, ça ne sera pas rose tous les jours… Mais cet enfant aura une mère aimante et attentive, des grands-parents présents et généreux… et un père. Un père qui peut décider de ne pas élever son enfant, qui peut fuir jusqu’à l’autre bout du monde, mais qui ne changera rien à l’amour que je lui porte, et au tableau que je dresserai de lui à son enfant quand il viendra au monde. Car il va venir au monde, je n’ai plus aucune hésitation maintenant.
Je lève doucement les yeux vers ma mère, et pleure de plus belle.
« Mais qu’est ce qu’il y a ma chérie, je t’assure qu’on t’aidera et qu’on sera là et…
- Mais non, c’est pas ça…
- Alors quoi ma chérie ?
- Maman… je rentre plus dans mes jeaaaaans….. !!»
Ma mère explose de rire.
« Allez viens mon Cœur, on va faire les magasins toutes les deux… on en a bien besoin toutes les deux hein ! Je vais quand même être grand-mère, je dois être belle pour l’accueillir non ?! »