Fragment #25 - Charly et Charlie

Dans l'après-midi, je suis allé faire un tour du côté de chez monsieur Abou, ce type qui a porté plainte contre Charly et l'accuse du vol d'un masque de grande valeur. J'ai vu le masque, et effectivement, il était dans la boutique quand je suis arrivé à Dakar, bien mis en évidence sur un présentoir. Si ça avait été un vol, Charly aurait eu le bon sens de le cacher, je suppose. Quoique, avec mon père, il faut s'attendre à tout ; ça pouvait tout aussi bien être une tactique, genre ce qui n'est pas caché n'est pas mis en doute. Apparemment, Sankoun Mancabou, dit « monsieur Abou », est un des types les plus riches du coin, et un grand collectionneur de trucs qui servent à rien, le genre de gars capable de faire tout un scandale pour un bout de bois. Il a récupéré son masque et l'a fait mettre sous clé, il a fait arrêter mon père et le voilà coffré. Ca rigole pas, à Dakar. Sankoun Mancabou est assez flippant. Il est grand, sûrement plus de deux mètres, porte un costume d'homme d'affaire dans lequel il crève sûrement de chaud, et des lunettes qui lui donnent un air étrange, presque carnassier. Quand je le regarde, j'en ai des frissons, bien pire que ceux provoqués en moi par la silhouette sombre de James.
Désormais, je vois l'Afrique toute entière comme un immense espace sans foi ni loi, et ce continent commence à me faire peur. Maintenant je dors seul dans la maison de Charly, j'entends la nuit qui rôde à mes fenêtres ouvertes et grésille près des lampes, le vent frais qui joue avec les rideau, les cris au loin.
Une petite écossaise, Charlie Collomb, en vacances à Dakar pour quelques jours, est passée me voir à la boutique. Elle avait assisté à l'arrestation de Charly et elle se propose de m'aider. Son père est diplomate et il pourra peut-être nous tirer de ce mauvais pas. Charmante, cette jeune femme, et prête à sacrifier ses vacances pour un vieux machin qu'elle ne connaît pas (si elle savait quel genre d'homme est mon père, elle se donnerait pas autant de peine à le sortir de là).
Une Charlie pour secourir un Charly. J'aime l'idée.