Bételgeuse
| Sujet: Fragment #133 - Le nombre 23 13.04.08 20:43 | |
| Jeudi 1er novembre 2007 à Madrid Je rampe dans un long couloir blanc. La lumière m'aveugle. Je sais que c'est là-bas que je dois aller, mais je n'arrive plus à avancer. J'ouvre les yeux sur le plafond d'un hôtel miteux. Me lève, fouille dans mon sac et en tire mon paquet de clopes. Je pense encore à Dakar. A Nathan ; à ses paroles étranges qui me collent à la peau depuis mon départ. Au sablier. Je suis interrompue dans mes pensées par un gargouillement rauque qui sort de mon estomac. Je n'ai rien avalé depuis l'avion, deux jours déjà. Hier, je voulais me réconcilier avec ma belle Madrid, mais elle a senti que je l'avais trompée avec une autre ; jalouse de mon séjour au Sénégal. Alors j'ai préféré attendre, crécher dans cet hôtel de banlieue minable avant de revoir Mama, y mi dos palomas. Attendre que les cieux me soient plus favorables, peut-être. Je tousse à m'en arracher les poumons, et encore une fois les glaires que je crache sont pleines de sang. Il est 14h, j'ai rendez-vous avec Marco en plein centre-ville. Quand j'arrive, j'ai une demie-heure de retard. Son sourire me parcourt l'échine, et tout naturellement il me prend dans ses bras. « Sé que no te gusta aquella cosa, más, ¡ Feliz cumpleaños ! » Marco, tu es le lien le plus étrange et le plus fort qu'il me reste, ici. Le soleil joue à cache-cache avec les nuages, le chocolat chaud est délicieux, et partout s'envolent des exclamations dans ma langue natale. Je suis bien. Il me fait un peu la morale quand il apprend que je ne suis plus aucun traitement depuis au moins deux mois. S'inquiète juste ce qu'il faut. Me parle de son boulot, et des projets qu'il a, une association avec une agence de mannequin, un truc du style. Et me scrute bizarrement. « ¿ Cuántos centímetros mides ? - ¿ Es una broma ? - Piensa en esto. » T'es fou, Marco. Mais c'est peut-être pour ça que tu réussis. On parle un peu de vous, les anciens, ceux qu'on s'en veut d'oublier. Ana, Miguel, Lola. Et les autres, ceux qui n'ont fait que passer, ceux dont on a perdu les noms. Et peu à peu, il est déjà 19h. Je pense à ma chambre moisie, à ma famille que je voudrais voir, mais je ne suis pas prête. Je pense aux longues minutes en métro pour arriver en banlieue. « Te acompaño hasta el apartamento. Es necesario que les veas. » Mais apparemment, il a déjà décidé pour moi. | |
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