Fragment #147 – Où l’on étale ses chairs abîmées

Fond de teint en masse et lunettes de soleil, j’ai rendez-vous avec Marco et Erick dans un café chic en plein centre-ville. Malgré le ciel gris, ils sont installés en terrasse ; Thank God, je vais pouvoir fumer.
« Hi », soufflé-je en m’asseyant le plus discrètement possible. Erick me dévisage.
« You’re still not a star, honey, what are these sunglasses doing here ? »
Je jette un coup d’œil à Marco, plongé dans sa tasse de thé. Puis de ma main gauche je les fait glisser lentement sur mon nez en fixant mon boss.
La cuillère de Marco retombe bruyamment dans le liquide fumant.
« ¡ Dios mío ! ¿ Qué pasó ?
- Gosh, doesn’t it hurt ? What happened ?
- Doesn’t matter what happened. Estoy desfigurada. » Je ravale un sanglot, remets mes lunettes en place.
« Te lo pedí, Sylvia, te pedí que no hicieras tonterías...
- Espera, Marco, no es tan importante. Esto va a desaparecer. No te preocupes, Sylvia. I may find you something interesting.
- What do you call “interesting” ?
- Give me one or two days, and I’ll call you back. Till there, you stay in London, ok ? Don’t be silly, don’t go wherever you want to, ok ? »
Je hoche la tête. Si ça peut te faire plaisir, mais je ne vois pas ce que tu pourrais me trouver avec ma gueule de zombie.
Je commande un café, allume une cigarette. Le vent caresse mes joues. Erick sort de son attaché-case les photos du dernier shooting, celui avec Svetlana. Il m’explique qu’il y a ce désir dans mes yeux, que c’est ça qui me rend désirable. Je ne comprends qu’en observant ma jeune partenaire : son corps est offert à l’objectif, mais dans ces yeux il y a cette froideur, cette dureté.
Cette peur.