Altaïr
| Sujet: Fragment #302 - Le rythme du tambour 14.04.08 1:14 | |
| Mercredi 10 octobre 2007 à Dijon Boum boum, boum boum... Le rythme du tambour résonne dans les parois de mon esprit. Boum boum, boum boum... Il y a un nouveau Coeur en ces lieux, entre ces murs blancs aseptisés. Boum boum, boum boum... Un nouveau Coeur qui pulse, qui pompe le sang et irrigue chaque partie de son petit corps. Boum boum, boum boum... Et il me semble que son tempo bat en moi. Boum boum, boum boum... Il m'envahit et m'engloutit dans sa cadence, de plus en plus forte, de plus en en plus forte... Lilian me donne un coup de coude entre les côtes. J'émerge d'un demi sommeil. Mme Sinclar est là, elle passe dans le couloir de l'hôpital avec une petite couveuse, accompagnée par un infirmier assez mignon que Lilian mate outrageusement. Eh frangin, c'est pas le moment là ! « Mme Sinclar ? » Elle se tourne vers moi avant de pénétrer dans la chambre de sa fille, et son sourire semble s'évanouir un instant, avant de revenir, quelque peu crispé. « Ah, fait-elle, Julian. Tu devrais rentrer chez toi. - Est-ce que je peux la voir ? - Laquelle ? La mère ou la fille ? - Heu, je fais, reconnaissant un piège, les deux... » Sa joie déborde sur sa colère contre moi, moi le lâche, moi le grand absent. Elle sourit et tourne son visage en direction de la couveuse. Je m'approche, Lilian regarde derrière mon épaule. Il y a un petit marshmallow rose qui me regarde, les yeux ouverts et curieux. La dernière fois que j'ai vu un bébé, c'était ma nièce Léa, mais cette petite là semble plus éveillée. Le rythme dans mon Coeur est si fort qu'il en explose, la peau du tambour se rompt. Alors des larmes me viennent aux yeux mais ne coulent pas, elles restent bloquées derrière les parois de verre. Je regarde le bébé sans oser toucher la couveuse. Est-ce que je suis vraiment - « Bon, allez, reprend Mme Sinclar avec une pointe de sécheresse, si Lola apprend que tu l'as vue avant elle, ça va barder ! - Je peux toujours pas entrer moi aussi ? - Non Julian, laisse les partager ce moment ensemble. Elles en ont pour jusqu'à la fin de leur vie maintenant. Tu peux comprendre ça, hein ? » Je ne réponds rien. Mme Sinclar entre dans la chambre, je discerne à peine le corps de Lola étendu sur un lit, puis la porte se referme, nous laissant seuls, mon petit frère et moi, dans le couloir. « Elle craint, lance Lilian, elle veut que Lola et le bébé partagent ce moment à deux, mais elle se gêne pas pour entrer, elle ! » Je m'assieds sur le siège où j'ai déjà passé plus de 24h sans rien faire. Une main sur mon visage. « Tu n'as pas cours toi ? je demande à Lilian. - Eh oh, Julian, je suis tonton ! Et pour la deuxième fois en plus ! La prochaine fois ça sera peut-être mon tour de faire un gosse... - Dis pas ça. - Non mais quand même Ju', t'aurais pu m'en parler. T'as vraiment rien dit à personne ? Imagine que Papa l'apprenne, c'est sa clinique ici, il finira par le savoir. - Jed le savait. » Lilian fait une petite moue en entendant le prénom de Jed. Jed. Jed qui n'a même pas daigné répondre à mon mail. Pourquoi es-tu parti ? Alexandre revient vers nous, apportant des cafés. « Alors, du nouveau ? - On l'a vue ! On l'a vue ! s'exclame Lilian, surexcité. - Alors ? Alors ?! Elle est chouette hein ?! C'est moi qui l'ai faite sortir ! Eh oui ! - Ouais, encore heureux que tu étais là ! - Ben oui, j'allais au Dionysos pour voir Julian et qu'est-ce que je vois dans la rue, une fille qui vacille, qui commence à perdre les eaux. Et à un moment je me suis rendu compte que c'était Lola... - Et tu m'as appelé ! continue Lilian. Je suis le premier à l'avoir su ! Je suis trop content ! » La porte s'ouvre à nouveau. Je me lève d'un bond. Mme Sinclar me sourit et m'invite à entrer, seul. Je lance un regard à Lilian et Alex, qui me renvoient des sourires d'encouragement. Lola est allongée sur le lit, plus belle que jamais. La petite, posée sur son ventre, tète son sein doucement. Je m'approche et Lola me sourit, alors cette fois les barrières de verre se rompent à leur tour, et des larmes perlent sur mes joues. Je regarde Lola et son ventre apaisé, je regarde le petit corps de notre fille qui vit. Notre fille qui vit. Notre fille... Allez Julian, dis le. Je n'y arrive pas... Dis-le. Il faut que tu le dises pour t'en libérer. Tu as détruit le tambour, tu peux y arriver. Mais je ne - Fais le maintenant. Je prends une bouffée d'inspiration. Je suis père. | |
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