Altaïr
| Sujet: Fragment #317 - London Calling 14.04.08 1:48 | |
| Mardi 6 novembre 2007 à Londres De l'air, il me faut de l'air ! J'ai l'impression d'étouffer, après ce voyage sous la mer, comme si je venais de franchir le col d'un utérus géant pour ressusciter. Et cette gare qui ressemble à un aéroport n'en finit pas, contrôles après contrôles. Laissez nous sortir ! Et puis le ciel, enfin. Une roue gigantesque. Et puis Big Ben, et la Tamise. La langue anglaise dans la bouche des gens. Laetitia sourit, émerveillée. La voir comme ça me réchauffe un peu le cœur. « On va se trouver une chambre quelque part, dit-elle sans me regarder. » Où est Jed ? Comment le retrouver dans cette ville immense ? J'ai oublié mon chargeur à Dijon, et mon portable n'a plus de batterie. Il faudra que j'aille dans un cyber-café, je ne sais pas. La dernière fois que je t'ai vu, beau garçon loup, nos bouches se sont rencontrées, t'en souviens-tu ? Sur les quais de la gare de Dijon, avant que tu ne partes. Tu sortais avec mon petit frère, et moi j'étais amoureux de toi. Tu te rappelles de notre rencontre ? Je revois le regard terrible de ta sœur sur le perron, devant ta belle maison. Et la fois où je suis venu chercher la boîte que je t'avais d'abord amenée. Je suis entré à l'improviste, et tu m'es tombé dessus. On ne se parlait plus, à cause de cette sale histoire avec Jon. Merde, et c'est toi qui m'a tabassé pour le jour de l'An. A l'époque je sortais encore avec Lola, et je ne savais pas que... Merde, j'ai peur, je ne sais pas ce que je suis venu faire ici. Tu le sais très bien. Oui, ici je suis en sécurité. Piotr ne me suivra plus. Laisse tes angoisses de l'autre côté de la Manche. C'est le Léthé une nouvelle fois franchi, le fleuve qui charrie de l'eau blanche comme le lait. Oublie. Oublie tes frères et leurs problèmes, tes parents et leurs angoisses, oublie ton travail, oublie Lola et le bébé. Renaît. C'est pour cela que je suis venu, oui. Mais le pourrai-je encore ? Tu l'as déjà fait. Rappelle toi la fin du Clan de Maïa et Sethi. Je ne sais plus si je dois oublier ou me souvenir... Rappelle toi comment on oublie. Je ne peux pas. Je ne peux plus. Je suis devenu trop lucide. Ma mémoire me colle à la peau. Je me souviens de tout avec une effroyable précision. Les jours défilent dans ma tête avec leurs numéros et le carnaval de leurs événements passés. Je les connais intimement, ils me rendent visite en permanence. Peut-être n'ai-je aucun avenir, peut-être même n'ai-je pas de présent, mais le Passé me hante de manière prégnante. Je vis à travers lui. Lorsqu'il m'arrive quelque chose, il me faut attendre que cela s'achève pour mieux le ressentir en le pensant. Je déteste la vivacité des sensations imprévues, leur caractère indéfinissable, il me faut les trier a posteriori en faisant usage de mon intellect. C'est amusant. Tout le contraire de ce que je suis. Je suis un être de l'instant, je me moque de ce qui est arrivé, je me moque aussi de ce qui adviendra. Tout ce qui m'importe, c'est le présent. Peut-être que c'est ça le problème, parfois. Ah oui ? Lequel ? Aucun de nous deux ne regarde l'avenir. Laetitia se retourne vers moi. Elle fixe mes lèvres qui ne remuent pas, et l'autre en moi sourit à pleines dents. Non ma belle, il n'y a plus aucune trace de ma folie. C'est à l'intérieur, maintenant. « J'ai pris une chambre avec deux lits, me glisse-t-elle, on sait jamais. » Oui bien sûr, d'ici que tu rencontres un autre Andréa, anglais cette fois, tu le baiseras à quelques mètres de moi, mais pas dans le même lit. Ce que j'admire ton humanisme, Laetitia... Moi je ne pense qu'à une chose : Retrouver mon loup-garou. | |
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