Altaïr
| Sujet: Fragment #329 - Avoir la main 14.04.08 2:20 | |
| Lundi 10 décembre 2007 à Londres Chaussures noires, pantalon noir, chemise blanche, petit veston, cravate assortie, cheveux coupés courts. J'attends dans un coin du restaurant. Lorsque les clients s'en vont, je débarrasse la table et en dresse une nouvelle pour les nouveaux arrivants. Il me faut agir avec rapidité, précision, et un brin d'élégance. Au début mes gestes sont gauches, je tremble un peu sous le regard sévère de Granddad, et petit à petit je m'adapte, je prends la main. A la fin de mes six heures de travail, je pense maîtriser les gestes à merveilles. C'est un petit restau français perdu à Londres. Cuisine traditionnelle, ambiance traditionnelle. Plats fins à l'odeur raffinée. Je me sens vite à l'aise, et une pensée me vient, une pensée bien agréable. Je sais faire ça. Pas besoin que Granddad vienne me gratifier, je peux me féliciter moi-même, car je sens que je me débrouille comme il faut. Je suis un bon serveur. Avoir la main, comme on dit. Je me souviens encore, quand j'étais à la fac à Dijon. Je me demandais ce que j'allais bien pouvoir faire de ma vie, je ne me sentais doué en rien. Et voilà que, enfin, aussi modeste soit-elle, il semblerait que j'ai trouvé une branche dans laquelle je sois à ma place. Et où est l'intellectuel, le créateur passionné, le poète ? Il faut bien qu'il mange, non ? Ca fait longtemps que tu n'écris plus. Je n'en ai plus envie. C'était une passade. Dommage. Granny prépare le diner. Je m'installe à table dans la cuisine. Elle me demande comment s'est passée ma journée, et comme je sais que son mari lui fera un compte rendu des plus objectifs, je préfère être évasif et ne répondre qu'un vague « I hope so », en espérant que je ne m'emballe pas trop. « Where is Jed ? je demande. - In his room, you know it Julian. » Oui, je sais bien. Je le rejoins, m'allonge à côté de lui, mon dos contre son ventre. Il me serre dans ses bras, m'embrasse sur la nuque, passe une main sur mon visage. Puis ses doigts se frayent un chemin en direction de mon bas-ventre, espérant y réveiller le feu endormi. Mais d'ors et déjà le sommeil m'a englouti dans ses profondeurs. | |
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