Sirius
| Sujet: Fragment #3 - Ici et Maintenant 09.04.08 18:57 | |
| Vendredi 26 mai 2006 à Dijon Beaucoup de temps a passé à présent. Certes les sentiments ne se sont pas envolé comme un lâché de ballons. Disons que j'ai attendu que les vents soient favorables pour qu'ils partent loin, très loin, là où plus jamais je ne les retrouverai. Ce que l'on peut retrouver un jour en revanche, ce sont les restes : des morceaux épars de plastique détendu. Avez-vous déjà essayé de regonfler un ballon de baudruche crevé ? C'est impossible. Maintenant je suis sûr de ne plus jamais ressentir quelque chose, les ballons ont éclaté depuis longtemps. Cependant, en cherchant à reprendre contact avec elle, même après plusieurs années d'ignorance, n'essayais-je pas de retrouver les bribes de ballons pour les recoudre ? Affirmer cela me fait peur. Peut-être qu'au fond de moi je cherchais à revivre l'épopée fantastique que j'avais vécue avec elle. La mélancolie est une maladie psychique qui tend, chez le patient présentant ses symptômes, à donner envie de revivre des moments passés et je dirais paradoxalement surtout les mauvaises expériences. Oui, je suis mélancolique. De toute façon, je ne pouvais que contempler dans mes mains ces lambeaux de plastique… D'un geste ferme et décidé, je jetai les fragments de ballon parterre et les piétinai fermement. La si grande page était tournée. Les rencontres se provoquent, nous avons ce pouvoir immense de choisir qui on veut rencontrer, alors que le plus souvent nous laissons cela au hasard. Cette fois j'avais pris la décision de la rencontrer. Elle était le strict opposé de la fille dont je fus éperdument amoureux. Physiquement tout d'abord, mais aussi et surtout psychologiquement. Sans le savoir, elle et moi allions vivre des moments plus forts et plus intenses qu'inespérés. Elle, de son coté, n'avait jamais connu l'amour, et par dépit avait abandonné la lourde tâche de chercher le prince charmant pour s'adonner aux tribulations des études scientifiques. Quant à moi, tout jeune éclos d'une relation difficile qui m'avait brisé le cœur, j'avais également perdu l'espoir de vivre à nouveau l'idylle d'une relation amoureuse. Autant dire que nous ramions côte à côte dans la même galère. Avec le temps nous avons appris à nous connaître, puis nous aimer, pour finir par ne plus pouvoir se passer l'un de l'autre. Nous avons consolidé les voiles, laissant nos rames sombrer loin derrière nous, notre galère prit l'allure d'un fier navire voguant sur la route de la vie à deux. Depuis nous avons traversé des océans, subi quelques intempéries, mais notre voilier n'a jamais autant tenu le cap. Elle est merveilleuse. Tout parait simple avec elle, toute solution a son problème, la vie entière est si fluide… Avant de la connaître je n'avais jamais pleuré dans les bras de quelqu'un depuis ma naissance prématurée à la clinique. Elle est la seule à pouvoir me consoler, la seule en qui j'ai une confiance infinie, la seule qui me connaisse sur le bout des doigts. Elle est parfaite jusque dans ses imperfections. Il n'y a pas une de ses qualités que je ne supporte pas, et pas un défaut que je n'aime pas ! Aucun éloge ne serait à la hauteur de sa personne. J'espère seulement pouvoir prétendre à la réciprocité de ces sentiments. Aveuglé par le soleil levant d'une nouvelle vie sans entraves, je n’avais pas aperçu la lame de fond qui se dirigeait droit sur nous. « Mais je ne peux pas partir au Japon ! vociférai-je. - Mathieu, tu n’as pas encore l’âge de vivre seul. Tu sais que Papa a trouvé un travail très intéressant là-bas. Ce n’est peut-être que pour quelques années, nous reviendrons souvent. Ca fait loin le Japon je sais, mais tu t’y feras ! » Restant prostré sur mon lit, j’étais tellement décontenancé que j’en oubliais de lui téléphoner, à neuf heures comme nous en avions convenu. Ma conversation avec elle fut étrange, car je n’arrivais pas à penser à autre chose. Je me trouvais dans une situation à laquelle je n’avais jamais été confronté. Pire que de dire à quelqu’un qu’on ne l’aime pas, il fallait que je lui dise, à elle que j’aime plus que tout, que j’allais m’installer définitivement à l’autre bout de la planète. La première décision que je pris fut de ne pas lui dire maintenant. Je vivais peut-être mes derniers instants dans mon pays natal, alors plus que jamais il me fallait profiter de ces derniers mois passés avec elle, sans penser à la suite. Ici et maintenant.
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Altaïr
| Sujet: Re: Fragment #3 - Ici et Maintenant 12.03.09 15:22 | |
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