Alnitak
| Sujet: Fragment #3 - Et maintenant, une page de Pub 14.04.08 15:40 | |
| Mardi 28 août 2007 à Paris « Une fois, je suis mort pendant dix minute, puis mon pote Sean m’a pissé sur la tête et on est allé se finir à la Guinness. » Je suis au Shannon, seul irish pub parisien qui se respecte et qui accepte encore les chiens mouillés comme moi au comptoir. Il est 22h30 et il pleut à torrent aux portes de Montmartre, un vrai temps d’irlandais. J’écoute les verres tinter, les cris fuser et les pochetrons chanter qu’un jour, il y a un jeune homme du Nord qui est tombé pour la liberté sur les terres de l’Eire. Ils me font rêver, ces grands clowns tristes, mi-philosophes mi-poètes, anciens colosses et poivrots confirmés. Ils hurlent dans leurs chansons leur amour pour la terre qui est la leur. Où qu’ils aillent, ils vocifèrent cette horrible sensation dans leur tripe qui les fait boire jusqu’à tomber, tant ces lacs bleutés dont les vapeurs se perdent dans les landes leur manquent. Ils savent d’où ils viennent et ils le crient haut et fort. J’aime ça. Moi, je ne viens de nulle part, et chaque jour m’en fait un peu plus me rapprocher. Je suis un pur bâtard sans pedigree, mâtiné de cubaine et de français, amoureux de l’Est, bossant à Londres quand il n’est pas à Barcelone et prenant mes cuites à Berlin. Always on the road, and always beat. Un vrai petit fils de Kerouac quoi, en somme. Une patrie d’origine, un pays d’accueil, une terre d’adoption, ça me manque. Je ne bande pas sur La Marseillaise et je n’exporte pas avec moi cette fierté de la France, pays du coq au vin et du deuxième tour des présidentielles avec l’extrême droite. Je suis citoyen du monde, libre, et seul. Toujours. Un type me tapote l’épaule. « ‘Scuse-moi camarade, t’as pas de quoi payer une pinte à un clochard céleste par hasard ? » Je laisse un biffeton de cinq plié sur le comptoir avant de me lever et de laisser le tabouret à mon comparse qui se hisse aussitôt à la hauteur du tavernier pour passer commande. Il se retourne quand j’atteins le seuil. « Dieu te le rendra camarade, et n’oublie pas : les seuls gens qui existent sont ceux qui ont la démence de vivre, de discourir, d'être sauvés, qui veulent jouir de tout dans un seul instant, ceux qui ne savent pas bâiller ! » Kerouac. Je souris, ne me retourne pas et remets le casque de mon lecteur MP3 sur mes oreilles pour me remplir la tête de New Order. | |
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