Bellatrix
| Sujet: Fragment #1 - La promesse d'une lumière 14.04.08 16:50 | |
| Samedi 28 octobre 2006 à Bruxelles Encore un matin où je ne m’habitue toujours pas à cet espace exigu qui doit me servir de lieu de vie pour les prochains mois. Je l’ai voulue mon indépendance, je l’ai. Il faut assumer à présent, et hors de question de retourner chez papa et maman. En plus, je n’aurais pas assez d’argent pour un billet d’avion et ma fierté me l’interdirait ! Je me lève du seul endroit confortable de mon deux pièces, mon immense matelas, immense en largeur, mais également en hauteur, il faut dire que je l’ai tourné en bourrique le marchand, malgré mon petit budget, je savais ce que je voulais, un lieu d’apaisement, au cas où tout tournerait mal, que mon sommeil au moins se porte bien. Il fait encore noir dehors, tu m’étonnes, 5 heures du matin ! Un bâillement retentissant indique qu’il est vraiment l’heure d’arrêter de flâner ! Je suis en retard, pour ne pas changer. Une petite douche, je m’habille à toute vitesse, j’attrape mon gros sac, les clés. Les quelques secondes à venir sont le symbole de mon petit stress quotidien, celui de retrouver ma voiture flambante neuve à la même place qu’hier et sans marques visibles d’agression. Ouf, ma Rav4 que je chéris tant, cadeau reçu en guise d’encouragement pour ma nouvelle vie, est saine et sauve ! Sur le chemin, petit arrêt au « pain quotidien », il faut que je calme mon estomac excité par le vide qui s’y est créé durant la nuit. Je raffole décidément trop de cette gourmandise qui s’appelle « étoile », tout un programme ! Une pâte aux œufs mi croustillante - mi molle saupoudrée de sucre cristallin, un délice pour mes papilles, mais un grand ennemi pour ma balance. J’active l’ouverture du portail grâce à la carte parking gracieusement offerte par mon chef. Gracieusement est un bien grand mot, après moult palabres et surtout parce qu’il en avait un peu marre de m’entendre parler. Passage obligé par les vestiaires, me voici dans mon uniforme sérieux et strict. Tailleur noir, chemisier d’un vert qui donne la nausée, cheveux relevés en chignon. C’est fini de rigoler, il est temps d’adopter le visage de circonstance, le « yes madam, yes sir ». Il faut payer les factures et les cours, alors même si ce boulot est contraignant, je ne vais pas me plaindre. Je ne peux pas me plaindre. De toute façon, dès l’instant ou j’ouvre mes yeux jusqu’à 19h tapante, la vie ne devient qu’une parenthèse qui s’ouvre finalement à 19h30 quand j’entre dans cette pièce lumineuse,… « Yes madam, of course madam, your room will be ready in about 30 minutes, please have a sit at our bar, we’ll be pleased to serve you a drink ». Ho celle-là, avec son accent « so Britsh » et son grand chapeau lévitant sur sa masse de cheveux bouclés, cachant une petite tête posée sur un long cou, on dirait une oie. Décidément je n’arrive pas à rentrer dans la mentalité de cette catégorie du petit doigt en l’air ! C’est un cinq étoiles j’admets, mais tout de même, soyez un peu plus humains chers congénères, vous êtes faits comme nous tous, de sang et de chair. Heureusement ce n’est qu’une exception à la clientèle, en général les gens sont cool, mais j’aurais mieux fait de faire bagagiste pour les pourboires, à mon poste je ne ramasse rien, mais bon vu mon poids plume... Bref, les fins de mois risquent d’être difficiles ! Ma pause arrive enfin, j’ai l’impression d’être au lycée, la nouvelle à qui personne ne parle parce qu’elle a l’air bizarre. Je m’assois donc seule, comme depuis une semaine, à la table du fond, parce qu’il y a un cendrier, entre autre… mais aussi car de là, je peux observer les petits groupes se former, les va et vient de mes collègues, ceux qui parlent sur le dos de celui qui vient de franchir la porte de la cantine, ainsi je me forge une opinion sur leur caractère, de quoi être avisée si l’un d’eux viendrait à me parler. Mais personne ne vient. Hormis l’autre jour, un mec de F&B, pas très grand, rasé, avec un petit accent italien, s’est approché de ma table, et m’a demandé une cigarette, je crois que j’ai pensé trop fort « profiteur » car depuis il se contente juste de m’observer manger de loin. Sur ce, une petite cigarette bien méritée, seul moment de plaisir de ma journée, j’ai bien fait de commencer, on se sent moins seul avec cette petite chose au bout de la main. 19h30, heure de la libération, troisième fois que je m’y rends, et la fille joyeuse qui a tout plaqué pour ça, pour cette palpitation là, refait surface !! Mon gros sac en bandoulière sur mon épaule gauche, je lève les yeux sur ce panneau que je n’ai de cesse d’admirer, je pousse la lourde porte… | |
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