Aldébaran
| Sujet: Fragment #60 - La Déshabiller 15.04.08 18:36 | |
| Jeudi 26 octobre 2006 à Dijon Quand l’écran s’allume je tape sur mon clavier Tous les mots sans voix qu’on se dit avec les doigts Et j’envoie dans la nuit un message pour celle qui Me répondra ok pour un rendez-vous
Je suis de retour devant mon écran aux luminescences bleutées. Manon, merci de m’avoir donné ton adresse MSN. Je ne peux plus m’en détacher maintenant. Je t’attends. Jour et nuit. Je quitte le lit de Jonathan pour la douche. Puis je mets un boxer et je me pose devant son bureau. J’allume l’écran. Je caresse les touches unes à une. Les deux monts de ta première lettre, la pointe de flèche de tes yeux, et un cercle parfait entre deux monts délicats. Manon. Derrière, Jonathan est jaloux, bien sûr. « Quelle est cette fille qui traîne toujours avec toi ? Que fais-tu toujours plongé dans les profondeurs de ses yeux ? » Je n’ose rien lui raconter. J’ai honte. Il ne peut pas comprendre. Ce n’est pas de l’amour tout ça, je ne crois pas. Le contact des touches au moment de l’écriture est un acte d’une sensualité extrême. Mes mains se font divines en travaillant les phrases et jouant avec les mots pour que mes dialogues MSN soient parfaits. Mes mains se réchauffent en dansant d’une touche à l’autre, mes poignets exercés tourbillonnent comme si je jouais du piano. Une vraie conversation doit évoquer la musique, comme les fugues elle doit être travaillée et parfaite, comme les menuets, elle doit danser, jouer avec l’auditeur, comme le métal, elle doit être menée tambour battant. Ne pas lui déplaire surtout. Etre fidèle à tout ce que je lui ai raconté. Elle doit me croire sérieux. Doivent rester ses flammes dans les yeux. Elle doit me regarder à tout prix. Et lire dans mes yeux. Une main sur mon épaule. Jonathan est derrière moi, et regarde l’écran. Rien de compromettant. Il me demande à l’oreille, en chuchotant ce que j’attends vraiment d’elle. « Tu verras. Un jour ou l’autre, tu verras. » Il s’étire, mon tigre, pousse un petit cri matinal, retourne s’asseoir sur le lit. Il est beau. Statue de marbre, éphèbe sur le lit. J’ai envie de t’embrasser. Manon me parle toujours, de tout et de rien. De rien surtout. Puis je dirige la conversation vers sa vie, ses amis, sa famille. Elle évite. Non, de dieu ! Je veux en savoir plus, Manon, découvres-toi, dévoiles-toi. Qu’est-ce que je fais là, merde, qu’est-ce que je cherche à faire, franchement ? Qu’est-ce que je m’apprête à faire surtout ? Jon ne s’en doute pas une seconde. Jon me l’aurait déconseillé, c’est sûr. Mais il ne sait pas. Et je ne veux pas qu’il sache. Mes doigts glissent sur le clavier, dansent avec les lettres, les mots, les phrases. Mes mains jouent avec Manon, avec son cœur, avec son âme, avec ses larmes. Je te déshabillerai, ma belle. Je veux savoir ce que tu caches là-dessous. Jonathan revient vers moi. « Oh le jaloux ! » Ses mains papillonnent sur mon torse, son souffle dans mon cou, ses yeux contre ma peau. Sa langue goûte le sel de ma peau. « Eteins s’il te plaît. » J’obéis. Je dis au revoir à Manon, me déconnecte. J’embrasse Jon. « Elle sait pour moi ? - Et puis quoi encore ?! » | |
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