Fragment #65 - Julian, (Jon, Lola) et moi

Je t’ai appelé hier mon Julian, mon Dieu, comme nos deux reflets penchés au dessus de la boîte me sont revenus à la mémoire. J’avais envie de te voir, de rester fasciné face à toi, au faciès parfait, à l’image démesurée de self-confidence. Mais tu m’as semblé froid et marmoréen, presque sans sang dans tes veines. Rhaaaa ! Je t’en prie, ne me laisse pas seul. Seul face à cet amour trop grand pour y faire face, seul face à ma famille démente, seul face à Manon que je tords à ma guise. J’appuie sur le petit téléphone rouge. Tu m’as renvoyé à ma vie. Froidement. Pourquoi ne puis-je pas intégré à la tienne, rien qu’un tout petit peu ? Passer de l’autre côté du miroir. Quelles qu’en soient les conséquences. Je retombe sur le lit de Jon. Respire son odeur. Oublier cette image de Dieu dans l’ivresse. Vibration. Un texto remet un sourire sur mes lèvres. Peut-être n’es-tu pas si froid, mon Julian. Peut-être caches-tu ton impatience, ton attirance pour moi sous des dehors glacés.
Si tu veux passer demain chez moi, la porte est ouverte.
Je passe chez toi. Effectivement la porte est ouverte, et mes yeux s’ouvrent grands. Ton appartement est tellement… toi. Tout ce que j’aimerais avoir est présent, et en relief. Ma vie de célibataire en dehors de chez papa et maman se présente devant mes yeux et je ne peux m’empêcher de l’aimer. La vue à ta fenêtres, ma vue ; ton frigo vers lequel tu te diriges pour m’offrir un verre, mon frigo ; le lit sur lequel je m’assois et qui est doux et ferme sous mon postérieur, mon lit. Tu t’adosses contre un mur à côté de la fenêtre et nous nous regardons un moment, sans un mot. Comment fais-tu pour être si beau ? Ton visage si doux et tes yeux si durs qui regardent dans le vide de ta vie. Pourtant tu as l’air heureux. Nous parlons de notre vie. Je me jette à corps perdu dans mon histoire, ne pense pas un instant à en cacher une partie, a édulcorer ce qui me semble mauvais. Je jette tout. Ma vie, mes amours, mes amers. Et quand je regarde de nouveau Julian, je pense à Jon. Et mon envie démesurée pour cet homme sensuel en face de moi me fait regretter d’être venu. Beaucoup, un peu, plus du tout. J’aime Jon. J’aurais envie de le tromper que je ne pourrais m’y résoudre. Désolé Julian, je ne coucherai pas avec toi… même si j’en ai très envie.
« Si je le perdais, je… je ne sais pas ce que je ferais…
- Je sais ce que tu ressens, dis-je, moi c’est pareil avec Lola. »
Tu me parles alors de ta vie, de ton amour, de tes tours et détours. De la femme que tu aimes. Tiens, je te croyais plus homo que ça, mon petit Julian. Tu me parles de tes bras de vos courses effrénées dans le labyrinthe des facultés. Tout est presque trop beau. Comme dans un conte. Je te vois bien en prince charmant. Il te manque un peu de longueur de cheveux pour arriver à ça, mais… tiens il faudra que je passe chez le coiffeur, de mon côté ça commence à faire long. Et tu es si beau avec tes cheveux courts. Mais ton histoire me fait rêver. Tout est si parfait. Merde, pourquoi je me prends à douter moi ? Tu sembles si confiant dans tes propos, dans ton amour. Que cela semble pouvoir durer toujours. Vibration. C’est Lola qui t’appelle. Pourquoi ne pas sortir ce soir ? Tous les quatre ? J’envoie un texto à Jon et nous voila partis.
Nous descendons dans l’Antre de la bête. L’antre de nos soirées démentes. Et la pauvre Lola nous accompagne. Elle semble si petite et fragile entre les bras de Julian. Elle semble perdue dans cet univers infernal d’hommes qui aiment les hommes. Pauvre petite Lola perdue. Nous nous installons sur une banquette. Jon à mes côté en face de Julian et Lola. Mon Jonathan, si tu savais comme je t’aime. Je t’embrasse profondément, tes mains jouent avec mon dos. Tu me fais frissonner. Ta visage prend un instant les traits de Julian. Non, Jed, calme-toi. C’est Jonathan que j’aime. Infiniment. Tout cela m’excite. Jonathan qui m’embrasse et me caresse, Julian et son visage de Dieu, et Lola qui nous regarde la mâchoire béante. Sait-elle pour Julian ? Je préfère ne rien dire. Surtout ne pas bousculer la vie de notre Julian. Mais si j’en parlais, elle le quitterait, et il pourrait enfin être à moi. Non, Jed, arrête. Julian se lève pour aller danser. Je ne l’accompagne pas, préfère succomber à la tentation et parler avec Lola. Jonathan, lui, se lève et l’accompagne. Il m’embrasse. Je te regarde, Jon, je vérifie chacun de tes gestes. N’oublie pas la jalousie tapie en moi. Le monstre aux yeux verts. Ne pense même pas à l’approcher. Je les regarde danser un moment. Puis je suis rassuré et en reviens à Lola.
« Ça fait longtemps que vous êtes ensembles ? »
Elle engage la conversation gentiment, je lui réponds donc que ça fait quatre mois et que tout va bien. Julian a du goût. Elle est belle sous ses cheveux bruns et son air de petite chose prête à se rompre à tout moment. Nous discutons pendant que Julian danse. Pas trop près de Jon s’il te plait. Je n’arrive pas à prêter attention à ce que Lola me dit. J’ai l’impression d’une conversation totalement décousue, mes yeux étant toujours détournés par leurs deux corps en transe sur la scène. Excuse-moi, belle Lola, je ne peux m’en empêcher…
Puis nous rentrons. Jonathan, ton corps soudé au mien. Des pensées noires tournent toujours dans ma tête. Tu m’embrasses.
« Tu t’es bien amusé avec Julian ?
- Oui, ça va…
- Vous étiez un peu proches l’un de l’autre quand même.
- Quoi ? »