Aldébaran
| Sujet: Fragment # 83 - Où l'on comprend enfin la signification de 07940748999, ou plus exactement +447940748999, et voyage au bout du fil 16.04.08 21:50 | |
| Mardi 9 janvier 2007 à Chenôve Oups. Mes idées en place. Essayer de. De tout remettre. Faire correspondre. Ces chiffres. Ces foutus chiffres. Tu m’en as enfin donné l’explication, mon Ariane. Tu m’as expliqué le pourquoi de mon cadeau d’anniversaire. C’était si simple pourtant. Ces chiffres sans signification n’étaient qu’un numéro de téléphone. Mais pas un reconnaissable. Pas un petit numéro de téléphone tout simple français que tout le monde remarquerait. Un téléphone étranger, et sans préfixe. Comment as-tu osé me perdre mon Ariane ? Si j’avais su plus tôt, peut-être que tout serait allé mieux. Et que Jonathan… Non ! Oublier, ou tout au moins renflouer tout au fond de mon cerveau. Tu n’existes plus. Tu n’es plus le Dieu que j’ai connu. Tes mains sur ma peau. Ma paume qui certain soirs caressait sensuellement ta sonnette. Mes doux coups contre le bois de ta porte. Ton corps qui m’emporte… Un numéro de téléphone. Le préfixe je le connais. Je me le suis répété des centaines de fois pour me prouver que ce petit bout de papier dans ma table de nuit ne servait plus à rien. Pour me prouver que Tu m’avais oublié. 44. mes doigts tapotent le clavier du téléphone, dont le combiné glisse jusqu’à mon oreille, traversant la toison de mes cheveux longs maintenant. L’écouteur à mon oreille. Le son des tut-tut français. Puis un silence. Enfin des tut-tut-tut différents mais reconnaissable. Le message électrique a traversé un bras de mer pour parvenir dans une ville où tout est différent, jusqu’à la langue. « Hello ? » Mes lèvres tremblent devant le combiné, je n’arrive pas à articuler. Mes mots sont comme frisés entremêlés avec la pointe de ma langue. Tout n’est plus que bric-à-brac. Mon cerveau, mes pensées, et Toi. Toi qui te reconstruits, petit à petit, dans ma mémoire. « Hello? - Hi, Alex, it’s me. - Oh, Jed. Ça… ça faisait longtemps. J’attendais de tes nouvelles. Tu avais mon adresse pourtant, et mon nouveau numéro. - Ah bon ? - Oui, Jed. C’est, entre autres, ce que contenait le petit bout de papier que j’ai glissé dans ta main avant de partir. - Entre autres ? C'est-à-dire ? - Eh bien… Ariane ne t’a rien dit ? - Non. - Elle m’a expliqué pour Jonathan. Je suis content que tu sois heureux, Jed. - Tu es en retard, Alex. Jon et moi, c’est fini. » Nous avons continué sur ce train une bonne heure, nous rappelant le passé et l’enfance perdue à jamais. Enfin c’est ce que je pense, mais Alex n’est pas d’accord. Selon lui, cette enfance existera toujours. Elle fait partie de nous. Je n’ai pas voulu le contredire. Il allait mettre ça sur le compte de mon amertume. J’avais tant envie de le serrer dans mes bras, encore une fois. Mais il est trop loin. Pourquoi avoir suivi sa mère alors qu’il pouvait continuer ses études en France ? Mais je le comprends. L’appel de l’étranger, l’attraction de l’ailleurs, du différent. Les beaux anglais, et leur teinte de roux-blond comme Ariane aime à le dire. Puis j’ai dû raccrocher. Echapper le combiné de mes lèvres et de ton Angleterre. Désenfouir l’écouteur de ma toison. Et écouter le clic que fait le téléphone qu’on raccroche, l’ami que l’on met en stand-by. Et lentement sentir une caresse. Un sillon humide et tiède. Et dans un geste élégant si possible, essuyer une larme. | |
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