Aldébaran
| Sujet: Fragment # 95 - Celui qui guérit 16.04.08 22:36 | |
| Mardi 6 mars 2007 à Dijon La lumière froide de la lune, découpée régulièrement par les rideaux vénitiens, court sur les draps de Jonathan et danse avec moi. Je n’arrive pas à dormir. J’observe Jon qui ronfle doucement, sa respiration régulière, ses yeux papillotants dans la pénombre. Je me tourne. Je pense. Je me retourne. Je pense. Les draps me semblent une prison de plus à franchir. Porte d’acier, barreaux de métal de la lumière de la lune. Je veux dormir. Là. Maintenant. Tout de suite. Mais ça ne semble pas être une option que mon subconscient me propose à l’instant. Je m’assois, le corps enroulé dans les plis de marbre de ma tunique antique. Je me lève. Caresse d’un doigt l’ordinateur portable de Jonathan sur son bureau à tiroirs, dernier souvenir d’une vieille tante. Je sors de sa chambre, et entre dans la pièce principale, le canapé un peu avachi brun qui a pris mes marques devant la télé éteinte. Je ne l’allumerai pas ce soir. La table basse en verre, quelques marques qu’il faudra que je nettoie demain. Non. Je fais glisser le panneau de papier et entre dans la cuisine. Je prends une éponge, une de ces éponges à grattounette verte. Je la passe sous l’eau tiède. Le contact fuyant de l’eau qui court. La course effrénée de la douceur sur mes doigts humides. Je vais à la salle principale et nettoie la table de verre. Sur la table qui jouxte la porte d’entrée, des photos encadrées montrent notre petite vie qui se déroule. Jon, tu as un peu de moi dans ton appartement, alors. Quelques clichés de nos corps enlacés sur la piste de danse. Des photos de groupe, Julian, Lola, Jon et moi, les quatre inséparables. Pourquoi le Destin a-t-il tout basculé ? Nouveaux rapports, nouvelles danses des masques, nouvelles intrigues. Ma main sur la poignée. Je ne sais pas trop ce qui m’arrive mais je suis déjà habillé et prêt à partir. Non, Jon, je ne te fuis pas. Je ne peux pas dormir. Je tente simplement une petite ballade pour réchauffer ma peau frissonnante, sourire sous la lune, et respirer l’air frais. Je marche au hasard des rues. Je tourne, tantôt à gauche, tantôt à droite, dans les ruelles, rues, boulevards. La bruine se fait un peu plus forte. C’est une pluie fine. Une pluie qui lave et qui transforme. J’aime bien. J’entrouvre ma bouche pour laisser glisser quelques gouttes contre ma langue. Je me retrouve étrangement à me rapprocher du rempart de la Miséricorde. Retourner aux sources. Tremblant, se rapprocher de l’ineffable recommencement. Je passe devant St Bénigne, dans sa robe de blanc immaculé. Je tourne sur la gauche et entame le rempart. Au feu, derrière moi, trois personnes seules sous la lumière jaunâtre des lampadaires. Une fille brune, avec un sac Quick dans lequel elle semble avoir jeté négligemment des vêtements. Un homme assez grand, avec un béret vissé sur la tête, sur le coté, les cheveux courts, dans un long manteau noir. Et puis le troisième, souriant, me donne envie d’être heureux. C’est étrange. Tellement que je me retourne un instant. Son sourire est communicatif. Il est beau, et sa beauté semble transmettre la joie autour de lui. Je le regarde, le fixe un instant. Espérant qu’il se retourne et emplisse mon cœur dans le brouillard d’une étincelle de bonheur. Mais son amour semble tourné vers les deux chanceux, à qui il fait la bise et s’en va. Il traverse le passage piéton. J’ai presque envie de marcher vers lui et de lui dire bonjour. Mais non. Je continue mon pèlerinage aux sources et laisse mon bien-être s'installer. Je regarde la lune, qui caresse mon visage en retour et calme mes palpitations. Ma main sur la poignée referme la porte de l’appartement. Je me déshabille. Puis me glisse sous les draps. Je rampe vers Jon et l’enserre dans mes bras. Il se réveille instantanément. « Qu’est-ce qu’il y a ? - Non, rien. Je n’arrivais pas à dormir. Mais ça va mieux maintenant. » | |
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