Aldébaran
| Sujet: Fragment # 100 - Genèse 3:18 16.04.08 23:02 | |
| Jeudi 29 mars 2007 à Dijon « Regarde-moi dans les yeux ! Putain mais tu vas me regarder ? Tu y penses un peu à ta mère des fois, tu crois qu’elle va tout prendre à la légère comme ça ? Ne baisse pas les yeux ! » Tu aimes être défié, hein, toi le grand, l’immense Image qui me mets à ses pieds. Le Père de toute Création, l’origine de mes malheurs, de ma fourrure, de mes dents acérées, de ma schizophrénie. Dans tes yeux la flamme qui brûle. Dans tes yeux la braise enfouie qui me lacère les viscères encore et toujours. Je me rappelle. La porte qui s’ouvre, ta main dans mes cheveux, tes lèvres sur mon dos. Tu n’avais pas le droit. Je me rappelle. Moi sous les couvertures, entassé dans ma chair, larmes de fer qui brûlent les paupières et le souvenir des heures précédentes. Je me rappelle. Ariane à mes côtés, lumineuse salvatrice, sœur et mère et le calme de ses bras, et dans ses yeux l’eau de la connaissance. « Jacqueline t’a vu. Main dans la main avec… » Ça ne sort pas, hein. Tu n’arrives pas à le prononcer ce mot, la blessure divine de Sodome. Tu ne comprends pas que les foudres ne m’aient pas encore réduit à plus rien. Et toi alors ? Quelle serait ta punition ? Celle, toujours renouvelée de ta honte, et de celle de ton fils ? L’amertume, blessure de l’homosexualité ? Ta main qui se lève et le rouge qui me transforme. Non, tu ne le feras pas. Tu ne lèveras pas la main sur Jed le loup-garou. Mes muscles se bandent, ma mâchoire se serre. Personne jamais ne fera du mal à Jonathan. Et c’est lui que tu veux frapper par mon intermédiaire. Je ne sais plus trop ce qui se passe, si ce n’est mon tourbillon de vengeance rouge écarlate qui court sur les murs et fait trembler ma chair. Mon père, à terre. Moi qui remonte dans ma chambre, qui vide mes placards, pose tout dans une valise et serre contre moi ma vie entière. Je descends les escaliers. Enjambe mon père, et pousse la porte. Les derniers mots du Créateur m’ordonnent de ne jamais plus revenir. Adam chassé de son Paradis. Etait-ce de ma faute si j’avais goûté à l’interdit ? C’est le Père pourtant qui avait présenté le Fruit au premier homme. Comment aurait-il pu s’en détourner ? Je cours au hasard des rues. Et déjà il fait nuit. Déjà la lune éclaire de ses rayons blafards et luminescents les trottoirs humides. Le crachin me mouille le visage, se mêlant à mes larmes. Je ne sais plus vraiment si l’eau sur mon visage est mienne ou celle du Ciel. Je ne sais plus vraiment si je suis un homme ou un ange. Où sont mes ailes ? Ces belles ailes de géant blanches et pures. Suis-je esprit ou terre-à-terre, homme malin et froid ? L’eau coule sur mon visage et me purifie. Lave la blessure de la honte et de la haine. Lave la blessure des larmes de fer qui coulent et rayent mon masque de cristal. Je ne sais plus où je vais, sous la lune, ma haine criée au ciel, mes malheurs qui me brûlent et l’eau qui coule et pourtant assèche ma gorge, appelle au cri primal. Il paraît que je suis homo. Pédé, tapette, tafiole, tantouze, pédale, enculé, fiotte, rebus de l’humanité. L’absolue non-existence. Le déni de l’existence de Dieu. Et pourtant Il est là. En moi, dans l’Amour qui me transfigure. J’aime, je vous le dit. Que ça soit un homme ou une femme, qu’importe ? J’aime et je protège, j’admire et je respecte. Pourquoi vous, qui prétendez respecter, ne le faites pas ? Pourquoi un homme avec un homme ça vous dégoûte et vous révulse ? Pourquoi ? Je suis revenu à l’origine. Rempart de la miséricorde. Mais la musique ne m’accompagne plus. Je suis seul face au crachin, en position fœtale attendant… Quoi, je ne sais pas, la mort peut-être. Mais je suis trempé, comme si mes larmes avaient inondé mon corps pour transmettre la guérison, la purification. La violence a quitté la moindre parcelle de mon corps et coule sur le pavé en flaques rougeâtres. Je me répands en amer. Mes yeux brûlent. Mes oreilles sifflent. Ma tête est lourde et tombe. Black out. | |
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