Fragment #104 - Martin

J’attrape la main d’Ariane.
« J’ai cru que j’allais mourir… J’ai failli mourir.
- Non, tu dormais, Jed. Tu avais seulement un peu de mal à respirer. »
Je bouge un peu sous les draps. Je mets en position assise, j’aime le contact des oreillers contre mon dos. Les médecins ont défilés à mon chevet. Quand je ne dormais pas, ils m’ont posé des questions sur ma vie familiale. En tenant la main d’Ariane, je leur disais oui, non, non, oui, non. J’ai même eu le temps de faire un électro-encéphalogramme. Même avec tout ce métal et ces fils sur la tête, ils n’ont rien trouvé. Ils pensent que je fais de l’épilepsie. J’avais déjà eu une crise ou deux dans ma plus jeune enfance. Ils se reposent là-dessus et tentent de trouver. Pendant ce temps, je reste au lit. Je vais bientôt sortir. Demain je crois. Je ne veux pas sortir, je veux rester avec Ariane à mes côtés. Après, ça sera plus difficile de se voir.
« Alors qu’est-ce que tu vas faire ?
- Je vais habiter chez Jonathan…
- Ça ne lui pose pas de problème ?
- Eh bien je crois que non, mais je n’arrive pas à le joindre pour le moment.
- Il est où ?
- Je ne sais pas. C’est étrange. On ne s’est pas revu depuis… depuis…
- C’est bon, cherche pas trop, tu vas te faire mal à la tête. Repose-toi.
- Et toi alors ? Quoi de neuf ?
- Eh bien… non. »
A ce moment là, Ariane s’est mise à rougir. Elle tente de me cacher quelque chose.
« Enfin, si… J’ai quelqu’un dans ma vie.
- Super ! Il s’appelle comment ? Quand est-ce que je pourrais le voir ?
- Il faut déjà te sortir de là, il me semble.
- Il s’appelle comment ? Dis !
- Martin.
- Et ?
- Et quoi ?
- Ben il est comment ? Il fait quoi dans la vie ? Je veux tout savoir.
- C’est trop tôt encore, Jed. Je ne sais pas si… Enfin… je veux être sûre de…
- Arrête ! Tu prends toujours tellement de précautions avec les mecs. Laisses-toi aller un peu ! Tu es bien avec lui ?
- Oui.
- Vas-y alors ! Pas de question à te poser. Fonce. Tu verras comment ça se passe.
- Toi tu as toujours été tellement enthousiaste. Tu sais, c’est pas si simple… »
La profondeur de ses yeux bleus me fixe un moment. J’ai envie de plonger, mais je me retiens. Ça serait tellement impudique. Ne pas la mettre à nu, pas maintenant.