Aldébaran
| Sujet: Fragment #116 - Pris entre deux feux 20.04.08 22:19 | |
| Jeudi 10 mai 2007 à Dijon Je suis stupide. Je viens de me réveiller, ma peau nue caressée par les draps blancs sous le soleil matinal et cette seule phrase me vient à l’esprit. Je suis stupide. Jed Cléart est un homme complètement stupide. Je quitte Jon sur un coup de tête, pour des raisons pseudo politiques, et me retrouve à baiser une personne que je ne connais finalement que très peu. Je m’énerve tout seul. Je ne comprends vraiment pas où j’ai voulu en venir. Je ne sais plus trop où j’en suis. J’ai des souvenirs flous de la veille. Ce mal de tête terrible !
A peine sorti de chez Jonathan, j’ai pensé à Ariane. Je me suis dit qu’elle pourrait m’aider à m’en sortir, je me suis dit que Martin m’accueillerait sans problème. J’étais vraiment énervé après Jonathan, comment avait-il pu me faire une chose pareille ? – réfléchit, Jed, maintenant et à tête reposée. Tu ne lui a pas demandé une seconde ce qu’il en pensait, tu n’as pas un instant pensé à lui ces derniers jours, tellement tu étais concentré sur ta peur. J’ai sonné chez Martin, il m’a ouvert, m’a fait monter. Ariane n’était pas là. Nous avons discuté un peu dans la cuisine. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai tout de suite accroché avec lui. Je lui ai tout raconté, ma peur des derniers jours, ma fuite vers l’intérieur, et ma colère soudaine, qui me réchauffait encore les tripes – tu lui as donné des signes de faiblesse aussi, comme à ton habitude. (Après la Colère, tu as besoin de tendresse, de rapprochement intime, comme tout le monde, mais là, ton Monde, Jon, n’était plus là. Tu l’as regardé dans les yeux, Martin, ta voix a tremblé, tes souffrances t’ont emprisonné.) Tu lui sa donné des signes… des signes qui ne trompent pas. Des rapprochements subtils, des effleurements de la main. Tu l’as dragué, avoue-le ! Et puis Ariane est rentrée. Elle était surprise de me voir là. Je lui ai expliqué, j’ai pleuré, j’ai fondu dans ces bras. Heureusement, elle était là. Elle avait, comme à son habitude, les mots pour consoler. Mes larmes ont séché. Puis Martin a ajouté, doucement, qu’il prévoyait une soirée pour le soir même – avoue-le ! Tu t’es dit que ça te permettrait d’oublier. Tu étais content de savoir que tu pourrais te laisser faire, te laisser aller sous les flots des Déesses de l’Alcool et de la Drogue. Tu as succombé à leurs charmes. Tu as oublié l’amour de ta vie. Tu as sombré dans la dépravation, comme à ton habitude après une rupture. Rupture –ce mot sonne étrangement dans ta tête à cet instant. Alors… alors tout serai fini ? Vraiment fini ?
Je prends ma tête à deux mains. Un ultime rayon brûlant et éblouissant de virginité traverse la vitre presque invisible de propreté et réchauffe mon visage. Je décide de me lever. Je repousse les draps, ouvre la porte, et retrouve Martin dans la cuisine. « Bien dormi ? - Oui, même mieux que ça. Mais j’ai un de ces maux de tête ! » C’est à ce moment là que j’aperçois le cachet d’aspirine dans le verre de Martin. « Ah toi aussi. C’était chaud hier. Je… Ariane est pas là ? - Non, elle est allée faire des courses. - Je me demandais. D’où tu as eu l’idée ? - De quoi ? - Ben… de ça. Ces fêtes, l’alcool… » Je m’empêtre dans ma question, comme à mon habitude quand je ne suis pas très à l’aise. « Disons que j’ai vécu une expérience qui a changé ma vie… J’ai fait partie d’un Clan. - D’un Clan ? - Oui, mais pas le genre de truc habituel. Quelque chose d’énorme. » Il n’a pas dit un mot de plus. Des images se sont mises à danser au devant de mes yeux. D’une esthétique de fresque grecque ; et parfaitement muettes. | |
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