Aldébaran
| Sujet: Fragment #120 - Le jour où, subjugué, mon coeur manqua un battement 20.04.08 22:47 | |
| Mardi 22 mai 2007 à Dijon Ces trainés d’humidité me reviennent à la mémoire, ce ventre serré aussi. Et le monstre au sol, baignant dans son sang. Le labyrinthe. Et Julian. Cela fait longtemps que je ne l’ai pas vu. Le chocolat chaud coule dans ma gorge, une goutte me coule sur le menton. Pourquoi les lèvres n’adhèrent elles jamais parfaitement au bol ? Deux gouttes parfaitement symétriques tombent sur la table. Je regarde autour de moi. Je suis dans la cuisine de Martin. Le robinet goutte encore, faisant dans la casserole qui attend des ronds concentriques. J’ai besoin de prendre l’air. Dehors, il fait plus frais. Je ne sais pas ce qui m’y guide mais je me retrouve au grand théâtre, assis sur les marches. Passent deux filles au bras l’une de l’autre. Leurs rires emplissent mes oreilles un instant, faisant se taire ma voix intérieure. Je décide alors d’envoyer un texto à Julian. Slt. Ca va ? Koi de neuf ? On pourré se voir vite ? Jed. Bon d’accord, j’y suis peut-être allé un peu fort, mais je veux le revoir. Il me manque. J’attends. La réponse ne vient pas. Je décide de remonter vers la place de la Libération. Mes mains dansent à contretemps, leur mouvement de balancier est pourtant toujours identique. Une image floue de ses yeux marron me traverse l’esprit. Ses deux yeux-jumeaux. A cet instant, je sens une vibration dans ma poche. Slt. Ca faisait longtemps. Je bosse au Dionysos. Rue Amiral Roussin. J. Mes pas m’emportent, mon cœur s’emballe. J’arrive rue Amiral Roussin. Il ne m’a pas donné de numéro, alors j’avance, en regardant des deux côtés. Enfin, il m’apparaît. Coincé entre deux maisons, resserré. Je ne l’avais encore jamais remarqué. Je regarde l’enseigne. Le Dionysos. J’attends quelques secondes devant la porte, j’hésite. Je me décide enfin à entrer. L’ambiance y est chaleureuse. Quelques élèves se pressent sur les tables tout autour de moi. Il n’y a pas grand monde, mais tous ont une allure gaie. La fin de l’année approche. Je ressens cette atmosphère bobo qui émane des clients, ambiance je vais au café parler philosophie. Mais c’est la philosophie des rues qui m’arrive aux oreilles. Cette grande brune, qui parle à son ami, blond un peu efféminé : « J’y crois pas, là elle m’a dit que ça ne m’allait pas du tout, franchement t’en penses quoi ?» elle montre alors au pauvre garçon qui ne sait vraiment pas quoi répondre l’espèce de torchon verdâtre qu’elle a en guise de top. Plus loin, cinq personnes discutent d’une récente épreuve de maths assez éprouvante. Je cherche Julian du regard, tout en m’approchant du bar. Il passe commande à des clients. Je ne vais pas le déranger. M’accouder au bar d’abord. C’est en m’asseyant que le souffle s’échappe de ma poitrine. Mon cœur manque un battement. Il est là assis à côté. Il ne paye pas de mine, ses cheveux devant ses yeux, tombant sur ses épaules. Sa posture un peu avachie, il a l’air de dormir, même si ses deux yeux bruns qui me regardent semblent parfaitement ouverts. Je le regarde, essaye de ne pas trop le fixer. Cet adolescent est beau. D’une beauté qu’on n’ose à peine décrire, à peine reproduire. Il a les courbes du marbre dans son visage qui pourtant prend expression quand il voie que je le regarde. Je détourne mes yeux. Il ressemble tellement à Julian. Il est un tout petit peu plus petit que moi, mais ses yeux me transpercent. L’ondulation qui retombe sur ses épaules bouge un peu avec son mouvement de tête quand Julian nous approche. Un instant, leurs deux visages parfaitement symétriques s’alignent dans mon regard. Qui est-il ? « Jed ! Te voila. - Salut Julian. » Nous échangeons une bise. Julian voit la gène de l’adolescent qui lui fait face. « Ah, oui. Et je te présente Lilian. Mon frère. » Pas un mot ne s’échappe de ma bouche, je m’en veux tellement. Je n’arrive pas à articuler. Seulement le regarder. Lilian échange, lui, un bref regard et me sourit. « Alors c’est toi Jed ! Je… Julian m’a parlé de toi. » Je le regarde encore. Puis tourne ma tête vers Julian. Mais mes yeux s’échappent vers les yeux-brasiers de Lilian, encore. Et j’arrive enfin à articuler. « J’ai quitté Jonathan. » | |
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