Bételgeuse
| Sujet: Fragment #3 - Frayeurs nocturnes 08.04.08 11:06 | |
| Dimanche 4 juin 2006 à Dijon La nuit a enveloppé le monde de ses bras de velours, le rideau sombre est tombé, la représentation est finie. Pour aujourd’hui. Car demain, tous les acteurs de la vie reprendront leur place dans ce grand théâtre qu’est le monde, et continueront leur jérémiades, leurs sempiternelles histoires de cœur, de revanche et de sang, ils continueront de niaiser lorsque leur texte leur demande de le faire, de s’effrayer lorsque la partition de cette pièce immense l’ordonne, de pleurer enfin lorsque la nuit tombe, les enveloppe de ses bras de velours sombre, et que la pression du spectacle se relâche. Et dans leur lit, bien au chaud sous leur couette, les comédiens du grand théâtre de la vie pleurent, et leurs larmes ne sont que le sang limpide de leur cœur qui trouve enfin un moment pour se faire entendre, lorsque le rideau est tiré. J’ignore encore pourquoi parfois les acteurs me semblent si mauvais, et pourquoi leur texte sonne faux. Suis-je la seule à m’en rendre compte ? Bzzzzzzzzz. Comment ça « Bzzzzzzzzz » ? Encore un insecte voleur de sang qui vient se nourrir au plus profond de ma chair. Mais tu ne m’auras pas, sale bête ! J’allume la lumière de ma lampe de chevet, saute à terre, et scrute ma chambre pour localiser le moustique. C’est pas vrai ça ! J’ai beau m’asperger de citronnelle, ils rôdent encore ! Soudain, mes nerfs lâchent, et tandis que je suis de plus en plus énervée par le bruit incessant de la bestiole, les larmes montent à mes yeux, troublent ma vue, et je me mets à trembler. J’ai toujours détesté les moustiques. Toujours été la seule dans ma famille à me réveiller en plein mois de novembre le corps rongé par les femelles en quête de sang frais. Et là, mes neurones se détraquent, et je me dis qu’après tout, c’est normal que chez les moustiques comme partout, ce soient les femelles les plus insupportables ! Et je ris, je ris à m’en crever les côtes, un rire d’hystérique à travers mes larmes. Mes nerfs lâchent d’absolument tous les côtés. Et puis je me dis que je suis folle, totalement folle, que tout ce que je fais là n’est que du cinéma, et que là où je suis la plus folle, c’est qu’il n’y a personne pour me voir jouer si bien mon rôle de fille terrorisée par les moustiques ! A part moi. Cet étrange autre qui me regarde, je le sens à côté de moi, debout alors que je suis tombée à genoux dans ma pseudo folie. Si seulement j’arrivais à tourner la tête pour voir son visage…
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