Procyon
| Sujet: Fragment #111 – Les trois unités de solitude 15.06.08 22:24 | |
| Dimanche 15 juin 2008 à Plombières les Dijon 11h11. Il y a longtemps que je suis levé et que je regarde ma mère passer d'une pièce à l'autre avec son plumeau. Passant et repassant où elle est déjà passée et repassée. La maison sent le propre, elle a perdu sa saveur mielleuse de familiarité. Je ne reconnais plus les tâches qui ont orné pendant des années le sol de telle pièce, les murs de telle chambre, le fond de telle casserole. Elle a anesthésié à coups de serpillière et de détergents cette maison. Ici tout s'est endormi, plus rien ne semble vivre.
Toi non plus tu ne vis plus. Tu es même mort et enterré. Je contemple ta tombe papa. Bonne fête murmurè-je devant le marbre. Tu vas être fier de moi papa, j’ai eu mon permis du premier coup. Je suis content, mais j’aurais tant aimé te promener au moins une fois. Aujourd'hui ton absence est encore plus lourde à porter que d'habitude. Je ne dis pas que je me suis fait à ton départ, mais j'ai appris à vivre avec ton absence. Aujourd'hui, dimanche de fête des pères, Lilian est près du sien, et Melissa en fait autant. Je suis donc seul. Définitivement seul. Seul avec ma solitude et mes souvenirs. Maman aussi est seule. Mais je ne sais plus comment faire pour lui parler. Maman, si tu pouvais m'aider. Je dépose sur la stèle la rose noire que j'ai porté jusqu'ici pour son souvenir. La même que le jour de l'enterrement.
Papa, mon unique père. Tu nous attends aux cieux. Pour qu'un jour on vienne te rejoindre, c'est aux portes de l'au-delà que tu t'es posté. Souvent en rêve, lorsque la réalité devient floue je te vois qui veut me parler, me faire signe. Seul au pays des ombres. Seul dans le blanc moutonneux de la porte des ténèbres. Seul.
Maman, tu aimais la propreté, tu es devenue maniaque. Esseulée dans ton monde de propreté, je te vois sans pouvoir rien dire, t'éloigner du monde des vivants. Pour rejoindre celui des égarés. Ne te perds pas. Je ne veux pas te perdre comme j'ai vu mon s'oublier mon père. Je ne veux pas finir seul, seul loin des trois autres. Ces trois autres qui ont regagné Paris dès qu'ils ont pu, fuyant la désolation. Je ne sais pas comment ils réagissent. Je ne les ai que rarement au téléphone. Laura m'a pourtant appelé hier pour me dire qu'elle était prise à la dernière épreuve de la fémis. Elle a de la chance de s'en sortir. Je suis content pour elle. Mais moi aujourd'hui j'ai l'impression de ne plus voir le bout du tunnel. Cette journée est mortelle.
En redescendant du cimetière, je croise Cédric. Apparemment il m'a vu depuis sa fenêtre de chambre. Il venait aux nouvelles. Elles ne sont pas très bonnes. Je me confie à lui. Ça me fait du bien de parler. Il est content de m'écouter. Après demain il passe son écrit de français pour le bac. Et moi je me sens seul. Seul, perdu dans le monde des vivants, alors que m'on père l'a quitté, et que ma mère essai de le rejoindre. Nous nous asseyons devant chez lui et parlons. Je parle. Il acquiesce. Je parle. Il sourit. Je parle. Il voudrait répondre. Je parle. Jusqu'à ce que la pluie nous déloge et que je rentre chez moi. Je retrouve ma mère, éponge en main, frottant l'évier. Quand elle me voit, elle est comme honteuse et s'arrête un instant. Je continue et monte les escaliers jusque dans ma chambre. Je l'entends qui s'est remise à frotter. Papa. Maman. Moi. Laura. Pierre. Thomas.
Dernière édition par Procyon le 16.06.08 15:13, édité 1 fois | |
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Wezen
| Sujet: Re: Fragment #111 – Les trois unités de solitude 15.06.08 22:35 | |
| Une maniaque du ménage; quelque chose à réparer ? J'aime bien l'enchainement de ce frag. Grande solitude des vivants.
PS: Juste une phrase que je ne comprends pas: "j'ai vu mon s'oublier mon père" | |
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Procyon
| Sujet: Re: Fragment #111 – Les trois unités de solitude 15.06.08 22:56 | |
| Tout simplement, en fait vers la fin de sa vie, il ne pensais plus à lui, et ne vivait que dans le souvenir de sa fille heureuse... Et puis il a dépérit dans ces condition, oubliant de vivre, voir se donnat la mort. | |
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Altaïr
| Sujet: Re: Fragment #111 – Les trois unités de solitude 16.06.08 12:13 | |
| Bon, les fautes je te les ai dites au téléphone, donc tu pourras les corriger toi-même
J'aime bien que tu aies joué avec le fait que ce soit le 111e frag... Et puis j'accroche vraiment entièrement à ton histoire maintenant, c'est fou l'évolution qu'il y a eu depuis le temps où Alex n'était qu'un petit lycéen amoureux de sa prof de philo ^^ | |
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Alsciaukat
| Sujet: :) 16.06.08 12:56 | |
| Ambiance lugubre :/ Grande solitude en effet... Et Cédric, toujours un peu mystérieux là-dedans... Faut qu'il réagisse, Alex, sinon sa moman va suivre le chemin de son mari... (par contre moi ça me dépasse un peu de pouvoir passer tout son temps tous les jours à laver !) | |
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Procyon
| Sujet: Re: Fragment #111 – Les trois unités de solitude 16.06.08 15:11 | |
| Oui parfois j'ai peur d'éxagérer un peu, mais c'est son seul exutoire... | |
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Altaïr
| Sujet: Re: Fragment #111 – Les trois unités de solitude 16.06.08 15:17 | |
| Parfois la caricature est aussi intéressante que l'est l'ambiguité... J'aime bien cette Bree van de Kamp qu'est devenue la mère d'Alex. Tu peux en jouer encore plus, à mon avis. | |
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Procyon
| Sujet: Re: Fragment #111 – Les trois unités de solitude 16.06.08 15:23 | |
| Je pense également.
Et au fait, même si ce n'était pas dur, bravo d'avoir trouvé le jeux avec le titre... | |
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Alhena
| Sujet: Re: Fragment #111 – Les trois unités de solitude 16.06.08 16:31 | |
| J'avais même pas vu pour le titre... EZn tout cas, j'ai beaucoup apprécié ce frag, qui est si réel... | |
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| Sujet: Re: Fragment #111 – Les trois unités de solitude | |
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