Fragment # 107 - Parce qu'il faut être acteur de notre vie

Je me réveille dans l’appartement de mon oncle et ma tante qui nous hébergent le temps de notre petite semaine à Paris. A peine réveillée je pense déjà à ma fille. C’est l’aube de son troisième jour chez Julian, et je ne peux pas m’empêcher d’avoir un mauvais pressentiment. Elle est comme moi, sauvage et difficile à amadouer… J’ai bien peur que tout n’aille pas follement bien là-bas, mais je ne veux pas les appeler. Je ne veux pas que Julian ait la joie de se dire que je fous en l’air mes vacances à trop me faire de soucis pour Kokhavah.
Théo s’étire comme un petit chat et viens poser sa tête encore toute réchauffée par les draps sur ma poitrine.
« T’es déjà réveillée Chérie ?
- Tu sais quelle heure il est marmotte ?!
- Heu non, j’sais pas, 10h ?
- Il est presque midi !
- Waouh la vache ! J’avais oublié combien c’était bon de faire des grasses matinées et de prendre le temps de me réveiller dans les bras de ma petite femme !
- T’es trop mignon. Moi aussi ça m’a manqué tu sais. On fait quoi aujourd’hui ?
- Je sais pas on pourrait rester au lit et faire des câlins toute la journée ?!
- Arrête ! J’te rappelle qu’on est chez mon oncle et ma tante !
- Et moi j’te rappelle qu’on est tous seuls, ils sont partis pour la journée tu sais bien. Et puis si on suit ce raisonnement…
- Quoi si on suit ce raisonnement ?!
- Rien laisse tomber…
- Non je laisse pas tomber, dis moi Théo. Si quelque chose t’embête, dis-moi. »
Théo s’assoit dans le lit, et me fixe.
« Tu sais Lola, ici on est chez ton oncle et ta tante, c’est sûr. Mais à Dijon, on est chez mes parents, ou chez les tiens. On n’a pas de vrai chez nous… Et pourtant on pourrait. On devrait même. Moi je gagne plutôt bien ma vie à l’hôpital, et puis toi tu pourrais essayer de retrouver un boulot maintenant, non ?
- Mais tu sais bien que j’ai la petite…
- Arrête de trouver des excuses Lola. Pour la petite, y a la crèche, et même tes parents au cas où. Après si t’as pas envie qu’on vive ensemble, je peux le comprendre, mais dis-le clairement.
- Non c’est pas ça. Enfin je sais pas. Ca va un peu vite.
- Ecoute ça fait des mois qu’on est ensemble Lola, on s’occupe de Kokhavah. J’ai envie qu’on soit une famille, une vraie. J’ai envie de pouvoir dormir avec toi toutes les nuits, pas seulement les soirs où je ne dois pas me lever trop tôt le lendemain, ceux ou c’est « plus pratiques ». Je veux t’avoir près de moi tout le temps Lola… Tu comprends ? »
Je plonge dans son regard bleu profond. Il est sincère, il ne partira pas. Il m’aime, il aime ma fille. Il nous a acceptées sans conditions… C’est Lui. C’est Lui et pas un autre. Est-ce que j’ai envie d’emménager avec Théo ?... Bien sur que oui… OUI !
« Tu sais quoi ? T’as raison !
- J’ai raison ?!
- Bah oui, bien sûr. Je sais même pas comment on a pu rester aussi longtemps comme ça. On a une famille, on EST une famille. Tu sais quoi ? On se laisse cette semaine de vacances, et dès qu’on rentre je me trouve un job, et on se cherche un p’tit nid douillet, ok ?
- Bah heu oui, mais tu sais je te disais ça, on peut prendre le temps d’y réfléchir avant hein, enfin pour que tu sois sure.
- Je SUIS sure. J’ai envie de changer de vie, de me bouger. Je veux que toi, Kokhavah, et mes parents soyez fiers de moi. Et puis moi aussi je veux plus qu’on soit séparés, qu’on dorme ensemble par intermittence. Je veux qu’on ait un « chez nous », que tu puisses voir la petite autant que tu veux…
- … J’ai trop hâte Lola, j’te jure. J’ai trop hâte ! »
Il m’embrasse et sort du lit.
« Bah qu’est ce que tu fais ?!
- Bah je me lève, il est quasiment midi Mademoiselle Marmotte !
- Ah bon… Dommage, moi qui croyais qu’on allait faire l’amour toute la journée... Ah tiens, tu te recouches finalement… ?! »