Alioth
| Sujet: Fragment #30 – A travers le désert 22.06.08 17:46 | |
| Dimanche 22 juin 2008 quelque part entre Pampelune et Saragosse En voiture, je ne parle pas beaucoup. Aujourd'hui encore moins que d'habitude. Je le laisse conduire et je regarde le paysage. Des centaines de pensées fusent. Des centaines de questions. Tout autour, la terre fait comme du sucre candi, craquèle de toutes parts. Je suis en nage, car sa petite voiture n'a pas la clim et le soleil frappe si fort. Nous traversons des paysages désertiques et cela fait bien deux heures que nous n'avons pas croisé âme qui vive. Il y a quelques arbres ici et là, décharnés, assoiffés. Il n'a pas dit un mot et moi non plus. Les ornières du chemin - ce n'est plus une route - cahotent les roues, la voiture se balance, mon corps est agité de secousses. Il roule trop vite. Je n'ose pas le lui dire ; il semble tellement concentré. Le ciel est d'un bleu monotone, clair, lourd. Gouttes de sueur qui coulent dans mon dos. Je ne peux pas bouger tellement j'ai chaud. Est-ce que je me dirige vers l'Enfer ? Je me demande si j'ai bien fait. Je me demande si j'ai eu raison de batailler pour poser une semaine de congés, à peine entré dans cette boîte. Madame Koltz m'a donné mes jours avec réticence. Mais je m'en fous. Lorsqu'une idée m'obsède, rien ne peut m'arrêter. J'entends encore madame Koltz me dire qu'en période d'essai, on n'a pas de congés. "Je m'en fiche ! Je vous demande une semaine. De toute manière, si vous ne me la donnez pas, je me barre. Je n'ai aucun besoin de travailler". Elle m'a regardé droit dans les yeux, son regard s'est plongé dans le mien, puis sa voix rauque a brisé le silence et elle m'a dit OK. Simplement. Et me voilà, dans cette petite R5 qui sort d'une autre époque, secouée par un chemin rocailleux et sinueux, allant je ne sais où, car il n'a pas voulu me le dire. Dans le Sud, en Espagne. En Espagne ? Mais je croyais que tu étais allé dans le Sud de la France, moi ? Eh bien non. Décidément. Que ne me caches-tu pas ?
Il s'arrête alors que je commençais à m'endormir. Nous sommes au milieu d'un terrain qui s'étend à perte de vue. Je vois du jaune, du bleu. Il n'y a pas d'arbre. Je ne vois plus de chemin, plus de route, rien à l'horizon. Je me retourne, il me regarde fixement. Son visage ruissèle. Son t-shirt est trempé. Il sort de la voiture, fait le tour, ouvre ma porte et me demande de sortir. Quoi ? Sors, s'il te plaît. Je sors, trempé, poisseux. Je suis debout face à lui et je ne sais pas quoi faire. Je suis un peu endormi, complètement ramolli par la chaleur. Il s'approche, m'embrasse, me déshabille, m'allonge sur le capot, me pénètre comme il ne m'a jamais pénétré, nos corps se mêlent, nos sueurs se mélangent, mon torse est brûlé par la chaleur du capot, ses va-et-vient se font plus intenses, il m'attrape les cheveux, pénètre encore plus profondément en moi, un courant me parcourt, je jouis dans un hurlement. Il s'allonge sur mon dos, encore à l'intérieur. Je crois que nous dormons un peu.
Je n'ai jamais autant joui, il me dit. Moi non plus.
Nous enfilons nos pantalons. Je ne remets pas mon t-shirt trop humide. Il redémarre la voiture. L'heure suivante se passe dans le silence. Je m'endors. Des parfums d'eucalyptus me réveillent. Nous traversons une allée d'arbres géants, bien fournis en feuilles bleuâtres dont les senteurs m'enivrent. Ces arbres semblent surgir de nulle part. Je regarde dans le rétroviseur : derrière-nous le désert. Cette oasis de fraîcheur est surréaliste. Les arbres s'étalent sur quelque huit cents mètres puis plus rien. De nouveau la terre aride. De nouveau le jaune et le bleu. Nous dépassons un panneau en bois vieilli sur lequel est inscrit Abadia en lettres gothiques. Quelques centaines de mètres plus loin, le terrain s'affaisse, nous descendons lentement et j'aperçois au loin une grande abbaye de pierres rosées au milieu de laquelle trône un immense eucalyptus, majestueux, impérial, les branches qui pendent et semblent embrasser le bâtiment. Nous nous approchons des murs de pierre. Je comprends que c'est notre destination finale. La voiture soulève la terre et débarque dans la cour intérieure. Une fontaine de pierre sous l'arbre immense. Agua no potable écrit dans ces mêmes lettres gothiques. Une herbe fraîche, verte, entretenue, recouvre toute la cour. L'abbaye nous entoure, silencieuse, sereine, comme si elle nous attendait, comme si c'était un peu chez nous. De petites lucarnes en guise de fenêtres. Une pierre massive, épaisse. Un immense porche.
Grégoire sort de la voiture. J'ouvre la porte. Je suis frappé par l'odeur, le silence, la sérénité du lieu.
Que faisons-nous ici ? Tu voulais voir Michaël ? Oui. Il est ici. Je ne comprends pas. On dirait qu'il n'y a personne ici. Tu penses vraiment que l'herbe pourrait être aussi verte ?
La lourde porte s'ouvre en grinçant. Un vieux monsieur, le visage buriné, la barbe blanche s'approche de nous. Ouvre les bras.
Gregorio ! Padre !
Dernière édition par Alioth le 22.06.08 19:24, édité 1 fois | |
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Altaïr
| Sujet: Re: Fragment #30 – A travers le désert 22.06.08 19:15 | |
| Wowowow
De surprises en surprises... Où cela nous conduira-t-il ? | |
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Procyon
| Sujet: Re: Fragment #30 – A travers le désert 22.06.08 23:11 | |
| J'ai l'impression d'avoir loupé un épisode parce que je ne me rappelle pas avoir entendu parler de Michaël. Mais peut-être est-ce normal.
Sinon j'ai accrocher dès le titre. Puis j'ai commencer à adore quand j'ai lu où ça se situe ; effectivement le titre s'y prête bien. je me souvient avoir pris cette route en plein mois de juillet. une vraie fournaise dans la voiture, pourtant ce n'était pas une R5 (d'ailleurs j'ai fais de la R5 ce matin) et il y avait la clim. Et c'est vrai que ça ressemble au désert, on se croirait au far west, comme dans les film de cow-boy. en dehors de ma petite vie que je vous raconte, j'ai aussi apprécier ce frag, parce qu'il concentre tout ce qui fait un bon scénario : aventure (le périple espagnol), sexe, et intrigue (oui qui est Michaël ?)
Bref j'attends la suite avec impatience. | |
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Altaïr
| Sujet: Re: Fragment #30 – A travers le désert 23.06.08 0:42 | |
| Michael c'est le fils de Grégoire banane... Ahlàlà, ça survole les frags et ça s'étonne d'être à l'ouest. Et sérieusement Pro tes commentaires à la skyblog j'en ai ras le c**. | |
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Alsciaukat
| Sujet: :) 23.06.08 13:38 | |
| Mmh alors son fils vit chez ses parents si je comprends bien ?
Chouette frag en tout cas, j'en ressens la moiteur depuis l'appartement frais où je me trouve... | |
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Wezen
| Sujet: Re: Fragment #30 – A travers le désert 23.06.08 20:48 | |
| Super, il est très beau ce frag. Beaucoups de souvenirs me viennent. Les endroits dont tu parles, certains sont sur le chemin du pélerinage. Un rapport ? | |
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Alioth
| Sujet: Re: Fragment #30 – A travers le désert 25.06.08 1:06 | |
| Ah non, pas de rapport. Mais la coïncidence est marrante. | |
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| Sujet: Re: Fragment #30 – A travers le désert | |
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