Sélène
| Sujet: Fragment #4 - Caméra secrète 09.04.08 21:35 | |
| Vendredi 23 février 2007 entre le Kremlin Bicêtre et Paris Une année écoulée, un an et nombres de cadavres de bouteilles, de rêves perdus se trimballant déglingués sur des terres en friche. Lausanne et ses bus électriques. Jérusalem et son mur, camp de réfugiés auberge et des kilomètres de routes englouties. Je me suis toujours cru l'été 78. Aujourd'hui le calme est au retour et les démons en façade.
J'ai gardé contact de loin en loin, peu ou proue avec certains ; Jed, Julian, Lola et Léopold. J'ai toujours ce fil attaché aux tripes qui me relie à eux. Ils ne s'en doutent pas et ne peuvent le concevoir ; je leur suis resté froid lors d'épisodiques contacts. Froid et distant dans tous les sens du termes. Et après un an de mouvements élans envies déceptions chutes et rechutes, je sens mon étincelle se refroidir. Je n'aimais pas m'avouer les attaches du passé, sans quoi je n'aurai pas eu ce souffle de liberté qui m'a ravagé l'esprit pendant cette année.
Aujourd'hui, je pourrais raconter ces histoires, ces images incrustées à jamais au fond de ma rétine. Enflammer un récit et brandir mes mains anxieuses. Je suis revenu, j'en suis revenu .. mais c'est de repos dont j'ai besoin. Je suis blotti errant dans mon appartement au Kremlin-Bicêtre. Ma ville n'a pas changé. Le bus 323 passe toujours au pied de l'hôpital, longeant Montrouge-Arcueil-connection. Le goudron est froid et les files hurlantes de voitures s'agglutinent en traits continus. J'ai encore du mal à caler la réalité et ces diapositives furtives qui défilent à mes yeux. Cet après-midi la place Victor Hugo semblait agitée d'ombres de taxis arabes et de terres sablées. Ces territoires de fantômes coulent dans mes veines.
Et Elle. Et elle. Je hais le moment où je vais la revoir après tout ce temps. "Je t'aime nous non plus". Elle a foutu le camp. Le sort voudra sûrement que je la recroise. J'ai laissé cette femme derrière moi. La caméra secrète au poing, brune incandescente cheveux filés en bazar, elle déroulait ses kilomètres de bandes le long des rues de Ramallah. Mais je suis là, et il y a toujours ces immeubles opaques et des routes opaques. Le mur et le Kremlin s'immobilisent, mois de février merdique. Pas de beau temps, de la buée sur les carreaux, la nationale 7 à coté de Géo. Des hommes des métros grouillants et des regrets à faire vomir les bouches d'égouts. 19 heures, je lance le film. Lecture. Le moteur de la bobine s'active en cliquetis mécaniques et l'image jaillit au mur. Avance rapide et lecture : une table et des affaires. Elle est sur l'image ; elle prend son briquet. Des étincelles, il fait noir encore. Interrupteur et pause. La pellicule trouée laisse passer des rayures de soleil. Pause. Elle monte les marches rapidement, jette sa veste sur le dos d'une chaise et s'approche d'un miroir, je suis dans le reflet. Le film saute, 19 heures toujours.
Les yeux nacrés, les yeux bandés juste en face, besoin d'attendre entendre une femme brune au regard en biais, je suis à Paris, les démons cloués en façade. | |
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