Fragment #122 – Opportunité

11h36. Je prends ma serviette par terre et essuie la selle du vélo d'appartement que je viens de mouiller de ma transpiration. Je suis arrivé à 9h30. Ça ne sert à rien de rester davantage, je risquerais de me faire mal. Je prends ma serviette dans une main, ma bouteille dans l'autre et je descends prendre une douche. Il y a déjà deux hommes en train de se laver. Mutuellement. Je fais semblant ne pas avoir vu, en plus ils s'écartent et font eux aussi mine de rien dès mon arrivée. Je suis tout de même gêné. Niveau musculature je n'ai pas grand chose à leur envier. Ils sont bien bâtis, mais moi aussi. Ils font traîner leur douche ; même si je prends mon temps sous l'eau ruisselante, ils sont encore là quand je sors des douches. Je me sèche succinctement et me rhabille rapidement pour les laisser reprendre leur petite affaire. Je referme mon casier et remonte les escaliers.
J'ai le refrain de cette chanson dans la tête. Elle est passée au moins trois fois le temps que je faisais du sport. ...Now You're Gone... Je chantonne sur les quelques marches qui mènent à l'entrée.
« Bonne journée Monsieur.
- Merci, à vous aussi. À bientôt. »
Vraiment charmante la demoiselle de l'accueil.
Je presse la clé et les phares clignotent. J'ouvre la portière, m'installe, et... bzzz bzzz bzzz. On m'appelle:
« Monsieur Alexandre Firent ?
- Oui c'est bien moi.
- Bonjour, René Duchêne, responsable du personnel de l'Intermarché du port du Canal. Nous avons reçu de votre part une candidature pour travailler cet été. À partir de quand êtes-vous disponible ?
- Dès à présent, et jusque fin août.
- Très bien. Vous pourriez passer dans la journée ?
- Maintenant si vous voulez, je ne suis pas loin.
- Oui très bien, je vous attends alors. »

Du coup je viens de signer un contrat pour mettre en rayon tout le mois de juillet. Il était content de me trouver, car il avait déjà déniché tout son personnel depuis plusieurs mois, mais un employé lui a fait faux bond au dernier moment. On peut dire que j'ai eu de la chance que mon CV ait été sur le haut du paquet. Je me félicite de m'y être pris un peu tard dans mes recherches de boulot. Je vais travailler du lundi au samedi de 6h à 10h et de 13h à 16h. Ça me fera un peu plus de trente-cinq heures par semaines. Mais bon : travailler plus pour gagner plus, pour une fois je ne trouve pas ce slogan dénué de sens. Je ne suis pas à une heure près et si je peux gagner quelques euros de plus ce ne sera pas de trop.
Ma maman me félicite en rentrant du boulot à 17h30 avec ses lunettes carrées et son tailleur gris. Elle doit avoir chaud là-dedans, surtout avec la température qu'il fait en ce moment.

C'est Melissa qui vient dormir à la maison, parce que je commence dès demain, je dois me lever tôt et je préfère avoir mes affaires sur place. C'est si plaisant de s'endormir si souvent en la serrant contre moi.