Mirak
| Sujet: Fragment #11 - Viens donc prendre un café 20.07.08 20:45 | |
| Dimanche 20 juillet 2008, à Paris Il est environ seize heures du matin et je n’ai toujours pas entamé ma journée. Je viens de sortir de la douche et je me suis vaguement habillé, c’est déjà une bonne chose. J’entame une excitante partie de Qu’est-ce-que-je-pourrais-bien-manger que mon réfrigérateur vide est sur le point de gagner quand l’interphone m’agresse. Refermant le réfrigérateur ainsi que mes yeux, je m’adosse deux secondes contre un meuble de la cuisine, prends une profonde inspiration et tente de rester calme. De ne pas hurler par interphone interposé à l’importun de me foutre la paix et de téléphoner avant de débarquer à l’improviste à une heure si matinale. Je n’attends personne.
« Allô ? - Salut, c’est Mathilde. - ... - Je te dérange ? - Non, non, monte je t’en prie »
Pendant qu’elle monte par l’escalier les deux étages qui me séparent d’elle, je suis forcé de me souvenir que c’est moi qui, hier soir, lui ai dit qu’elle pouvait passer cet après-midi si elle le voulait. Ça m’apprendra à vouloir être gentil. Je l’ai croisée par hasard à cette soirée. Je ne m’y attendais pas. Plus d’un an que je ne l’avais pas vue, que je n’avais pas eu de nouvelles, que je n’en avais pas reçu. Je l’avais quasiment oubliée. Elle m’a dit qu’elle avait envie de papoter. Ça faisait longtemps qu’on n’en avait pas eu l’occasion. Mais oui ma chérie, tu passes quand tu veux, tu sais bien que je suis là si tu as besoin de moi, viens donc prendre un café demain. T’as pas une clope ? Je vais me prendre un whisky au buffet, tu veux quelque chose ? Mais Mathilde ne fume plus, et ne boit quasiment plus rien. J’ai presque eu du mal à supporter son regard peiné et sévère à la fois, quand, vers trois heures du matin, alors que j’entamais un rock échevelé avec une inconnue toute bagousée de chevalière et emperlée au dernier rang, véritable fin-de-race aux vagues airs de poufiasse, sur une musique plus digne d’une rave-party que d’une soirée de rallye, je me suis littéralement étalé sur la piste de danse, entraînant ma cavalière dans ma chute, et que je suis resté là, à rire, sans pouvoir me relever, jusqu’à ce que Jean vienne me prêter main forte. Pauvre Mathilde. Elle tombait de haut, et pourtant, elle n’aurait pas dû. Elle était pourtant la seule à avoir su reconnaître les signes avant-coureurs. C’est même pour cette raison qu’elle avait voulu qu’on « en reste là ». Mathilde est ce qu’on peut appeler vulgairement une ex.
Elle entre dans mon appartement d’étudiant. Ma garçonnière, en fait. Elle n’est pas obligée de le savoir. Elle est toujours si élégante, si irréprochable. D’une magnanimité telle qu’elle arrive même, naturellement, à prendre place dans le canapé sans laisser deviner le moindre regard de reproche à l’égard du bordel de fringues, de bouteilles vides, de cendriers pleins et de vieilles capotes – merde des capotes, alerte maximale ! – qui ornent le sol et les meubles de mon salon.
« Tu veux un café ? - S’il-te-plaît. - Alors, t’as passé une bonne soirée hier ? - Ça m’a fait plaisir de revoir toute la joyeuse bande, ça faisait longtemps. - Désolé, j’étais dans un sale état à la fin. - T’inquiète pas, c’était pas si grave. »
Magnanime, vraiment. Comment se fait-il que je porte une telle importance à son opininon, moi qui mets un point d’honneur à me foutre royalement de ce que tout le monde pense de moi ? On échange quelques banalités. Ce que je deviens depuis tout ce temps. Pas besoin d’en dire beaucoup, ça n’a pas tellement changé en un an, et elle se tient au courant sur Radio Potins. Elle parle d’elle, de sa brillante réussite en fac de droit, de ses projets d’été, de ses activités artistiques, de son engagement politique. Elle est insupportable de perfection. Puis elle se redresse un peu, pose sa tasse, se tourne davantage vers moi, et je sens qu’elle va enfin aborder l’objectif véritable de sa visite.
« Tu te souviens de Maximilien ? - C’est le mec beau comme un dieu, riche comme Crésus, parfaitement bien élevé, odieusement désopilant et insupportablement aimable qui t’a tenu la jambe toute la soirée ? - Pourquoi t’es critique comme ça ? - Désolé, je ne voulais pas te vexer. - C’est mon fiancé. On va se marier d’ici une petite année sans doute. »
C’est mon tour de tomber de haut, et moi non plus, je n’aurais pas dû. Pour elle aussi les signes avant-coureurs étaient visibles. Je me refuse à faire un commentaire plus poussé que :
« Je suis heureux pour toi. C’est un mec bien. - Et toi ? Tu en es où ? »
Hésitation. Je ne cache rien à Mathilde. Rectification, je ne lui cachais rien. Est-elle prête à savoir ? D’un autre côté, c’est le test ultime.
« Je suis homosexuel. - Quel scoop, s’amuse-t-elle. Je te demandais si tu avais un petit ami à me présenter. »
Résultat du test pour le moins inattendu. Je crois que je n’arriverai jamais à saisir Mathilde entièrement. Ce qu’elle sait ou ne sait pas, ce qu’elle devine, ce qu’elle accepte, ce qu’elle rejette. Les limites de sa tolérance, de sa charité, ses véritables convictions au-delà des convenances. Nous continuons la conversation sur un ton léger, le plus naturellement du monde, et je lui donne les dernières nouvelles, les vraies cette fois-ci. Il se fait tard, elle doit y aller. Elle me fait promettre de renouer un contact régulier avec elle. Je crois qu’elle s’inquiète un peu pour moi. Appelle-moi un de ces jours. Je n’y manquerai pas. À bientôt. En la regardant descendre l’escalier de sa démarche impeccable, avec son port de tête franc et droit, je me fais la remarque que, bien au-delà de sa particule, du château de son grand-père ou de son ascendance, Mathilde est une noble. Une vraie.
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Procyon
| Sujet: Re: Fragment #11 - Viens donc prendre un café 20.07.08 21:29 | |
| Ma mère voici le temps venu, d'aller prier pour mon salut , Mathilde est revenue...
Encore une Mathilde qui débarque au moment où on l'attend le moins. En tout cas vu comme elle est décrite, on s'attend à la voir réapparaître par la suite... | |
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Adhara
| Sujet: Re: Fragment #11 - Viens donc prendre un café 21.07.08 10:56 | |
| Le plaisir du roman et de la fiction... Celui de voir ce genre de personnage, impossible, ou difficile, à croiser dans la vie ! :) Un bon frag | |
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Alsciaukat
| Sujet: :) 21.07.08 12:17 | |
| Ben j'ai bien aimé aussi ^^ Frag drôle, avec un personnage attachant, pis c'est bien écrit, alors que demande le peuple ? | |
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Altaïr
| Sujet: Re: Fragment #11 - Viens donc prendre un café 22.07.08 11:35 | |
| C'est vrai que c'est drôle, bien écrit, et que le personnage est franchement attachant... Et puis on a maintenant une Mathilde sur les bras ! Curieux personnage secondaire... Qu'est-ce que ça va donner, si ils se revoient régulièrement ?
Bétel et Pro, je sais pas vous, mais l'allusion à un Maximilien m'a fait sourire... (PS pour ceux qui n'étaient pas là le soir en question : Bétel, Pro et moi, de sortie dans un bar gay à Dijon -si si ça existe- avons fait la connaissance de Maaaximilieeenn et Jeaaan-Chaaarles, deux mecs sympas bourrés de frics, avec qui j'ai entretenu un looonng débat politique ; conclusion de la soirée : ne PLUS parler politique avec des inconnus ^^) | |
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Procyon
| Sujet: Re: Fragment #11 - Viens donc prendre un café 23.07.08 3:11 | |
| Ah oui c'est vrai. Enfin heureusement que tu me le rappelles, parce que je ne me souvenais plus de son nom ni même de ce type. | |
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| Sujet: Re: Fragment #11 - Viens donc prendre un café | |
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