Bellatrix
| Sujet: Fragment #9 - Une douleur indescriptible 27.08.08 15:26 | |
| Jeudi 30 novembre 2006 à Bruxelles Mon téléphone se met à vibrer sur la table de la cantine. Le numéro est masqué. Je me demande qui peut bien avoir peur que je ne décroche pas, pour cacher son identité. Je termine en vitesse ma dernière cuillère de mousse au chocolat. Je réponds et là, je l’entends, elle, avec sa voix rauque de grande fumeuse. Un peu hésitante, un peu gênée. Avec cette impression que les mots ont du mal à se frayer un chemin de son esprit encombré à ses lèvres. « Angie, je t’appelais pour… heu… pardon Angie ». Ce sont ses mots. Il n’y a qu’elle qui m’appelle comme ça. Angie, ça fait plus américaine comme elle avait l’habitude de dire, américaine comme elle. Son pardon m’interloque et je reste quelques secondes silencieuses. Des secondes qui doivent lui sembler une éternité. Car au fond, je ne lui en veux pas. Les mecs ça passent, mais pas les amies, pas les vraies. « Ecoute Terry, je ne sais pas quoi te dire, tu veux que je t’excuse pour quoi au juste ? - Pour tout, mon comportement avec Max et puis avec Hugo… Je ne sais pas pourquoi j’ai fait tout ça… - Je ne sais pas non plus… Et je me demande si… - Si quoi ? - Je suis au boulot là, alors il vaudrait mieux se fixer un rendez-vous et en parler face à face… - Ha oui, excuse moi, c’est vrai, je peux passer chez toi ce soir ? - Non pas aujourd’hui, mais je te rappelle dans quelques jours. - Ok, comme tu veux, à bientôt alors… - Oui, ciao » Je raccroche, tout en gardant mon téléphone entre les mains, les yeux rivés dans le vide, je me rends compte que je lui en veux… Elle a tout de même essayé de me piquer l’homme que j’aime. Les vraies amies ne font pas ça. Comment lui pardonner, comment passer au dessus et redevenir les meilleures amies du monde ? Je ne sais pas si j’en aurai la force. Et puis même si je suis nostalgique de temps à autres, je me suis habituée à son absence. Soudain, ma collègue arrive furax près de moi. Merde, ma pause est terminée depuis six minutes, et cette folle coincée du cul va sûrement le rapporter au boss si je ne me grouille pas. Dans ma précipitation, j’en oublie presque de ramener le plateau repas. Et ce maudit ascenseur qui ne vient pas. Ils ont tous décidés de me faire chier aujourd’hui ! Bon tant pis je prends les escaliers. Je saute chaque marche une à une en glissant mes mains sur la rambarde, comme dans un tourbillon qui n’en fini pas. Avec ça je n’ai même pas eu le temps de me recoiffer. J’arrive au premier étage. Mon cœur me fait mal. Où c’est peut être les poumons. Une douleur indescriptible transperce ma poitrine. Ca me lance à tel point que je dois m’asseoir. Je me pose sur une marche, le carrelage est froid. C’est mon cœur, il se serre et se desserre. Comme s’il manquait de sang. Qu’est ce que j’ai ? Ca ne s’arrête pas. J’ai les yeux comme embués. La douleur part et revient à répétition. Je suis pliée en deux. Je crois que c’est fini, et voilà que ça recommence. Je ferme les yeux et me concentre sur ma respiration. J’allonge mon buste, ouvrant ainsi mes poumons un maximum, je respire fort par la bouche, essayant d’emmagasiner le plus d’air possible. Un inconnu passe par là et me demande si ça va. Je ne l’entends qu’à peine et je ne sais même pas à quoi il ressemble, je n’ai pas le temps de bavarder. Il ne part pas. Il est debout, je vois ses chaussures si bien cirées que j’y vois mon reflet. Sa présence me réconforte. Tout à coup, c’est comme si le mal s’était envolé, je vais bien. Ouf je vais bien. « Je suis en retard, je dois y aller ». Je m’élance de plus belle dans le tourbillon. | |
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