Fragment #16 - L'effet d'un sparadrap arraché

Encore quelques instants, juste quelques minutes, ma tête lovée au creux de ce coussin si moelleux qui sent encore la lessive. Je ne savais pas que ma poudre à lessiver sentait la vanille. Ai-je changé de draps ? Ceux-ci semblent être en satin. Mais je n’ai pas de draps en satin ! Je sens mon corps se redresser d’un coup, par réflexe, je regarde à côté de moi, personne. Je regarde autour de moi. Ce n’est visiblement pas ma chambre. Je suis affolée. Mes yeux cherchent un indice, à tout prix, n’importe lequel. Je scrute les alentours, millimètre par millimètre. Je perds la tête. Mes souvenirs de la veille se bousculent. Ma bouche pâteuse décèle des arrières goûts d’alcool. J’ai envie de vomir. Vomir ce souvenir qui ne parvient pas à refaire surface. Régurgiter tout cet alcool imbibé dans ma chair. L’inconcevable effleure mon esprit. Quand soudain, la porte située de l’autre côté de la pièce s’entrouvre.
« Je ne t’ai pas réveillé j’espère ?
- Heu non non…
- Je t’ai préparé un thé au citron.
- Merci Max… »
C’est impensable, je n’ai pas pu commettre l’irréparable. Pas avec Max. Pas comme ça.
Assise en tailleur sur ce qui est visiblement « mon » côté du lit, il se pose en face de moi et se met à me fixer. J’ai envie de lui demander ce qu’il s’est passé hier soir, mais je n’ose pas. Si j’ai réellement couché avec lui, je risque de le vexer. Mon plan B sera de faire semblant de rien. Boire mon thé dans cette tasse qui me brûle les mains et me souvenir. Au plus vite. Avant qu’il ne me pose une question qui me mette dans l’embarras. Nos yeux se cherchent. Mais sans doute pas pour les mêmes raisons. J’essaie de déceler dans son regard, cette satisfaction qu’ont les hommes après une nuit d’amour. Où alors une petite gêne. Où alors… que sais-je, n’importe quoi bon sang !
« Alors cette fameuse surprise ? Tu veux bien me la dire maintenant ? »
Voilà. Je suis grillée.
« Heu… Je suis un peu crevée là… heu… la surprise ?
- Oui, tu sais bien, hier soir avant de t’endormir, tu m’as dit que tu aurais une surprise pour moi ce matin… »
Me rappeler de me taire quand je suis saoule. Non, d’arrêter de boire.
Je pense qu’il est temps que je prenne mon courage à deux mains, fini de tourner autour du pot. Application du plan A.
« Max, c’est un peu délicat ce que je vais te demander là mais… tu vois, j’ai un mal de tête affreux, j’ai la gueule de bois aussi (rire gêné) et je n’arrive pas à me souvenir avec exactitude de notre soirée…
- Tu étais déjà saoule au resto vietnamien ? (rires)
- Mmhh heu… »
Merde. Le pauvre. Il a l’air si heureux et je ne sais même pas pourquoi. Tant pis. Respire un grand coup Angela, ça fera juste l’effet d’un sparadrap qu’on arrache.
« Max, est-ce qu’on a couché ensemble ? »