Fragment # 72 - Mauvais rêve

Je n'arrive pas à dormir. Ca fait bien deux heures et demie que je tourne et retourne dans mon lit. J'ai trop chaud. J'aime pas avoir trop chaud pour dormir, mais je ne peux rien faire pour arranger cela. Je dors déjà au dessus des draps, la fenêtre de la chambre grand ouverte. Il faudrait que je me calme en fait. Que j'arrête de réfléchir. Que j'arrête de penser au plan de Jé.
Un regard vers le réveil. Trois heures quarante. Et merde. J'allume la petite lampe au pied du lit. J'ai jamais aimé les nuits blanches. Et Dieu sait que j'en ai passé. Je ne les compte plus depuis que Sofia est partie. Et merde deux fois. Comme si je ne pensais pas encore assez à elle. Je me lève. Peut être que si je bois un truc frais, ça ira mieux. Direction la cuisine. J'ouvre la porte de la chambre. il y a de la lumière dans le salon. Jé est endormi dans le canapé. J'évite de le réveiller. Je file discrètement jusqu'au frigo. Pas grand chose de frais en dehors de l'alcool. Je donnerais n'importe quoi pour avoir une bouteille de vodka. Mais rien que de la bière. Tant pis. Je sors un verre de l'armoire au dessus de l'évier et fais couler de l'eau froide du robinet. J'avale de travers. L'eau est vraiment dégueulasse au robinet.
« Tu dors pas ? »
J'ai du réveiller Jé en faisant couler l'eau.
« Non, j'ai un peu de mal à m'endormir. Excuse moi si je t'ai réveillé.
- Pas de soucis. Faut que j'aille pisser de toute façon. »
Je le regarde s'avancer dans le petit couloir menant aux toilettes. Je m'étale dans le canapé que j'occupe habituellement pour dormir. Je m'endors quasi instantanément.

Je me réveille en sursaut. Je suis toujours dans le canapé, trempé de sueur. Les images de mon cauchemar sont encore collées à ma rétine. Je frotte mes yeux comme si cela pouvait les faire partir. Je regarde autour de moi. J'arrive à accrocher mon regard encore plein de sommeil et d'horribles images sur l'horloge du lecteur dvd. Cinq heures et demie. J'ai peu dormi. Je frotte encore mes yeux, craignant que mon mauvais rêve n'y reste définitivement ancré. Je balaie d'un coup d'oeil la pièce. Jé n'y est pas. Je me lève et chancelle jusqu'à la porte de chambre grande ouverte. Jé est assis sur le bord du lit, une photo de Marie à la main.
« Tu ne devrais...
- Je sais. »
Je me rends compte finalement que Jé et moi sommes vraiment seuls. Seuls face à une vie vide de réel sens depuis le départ des êtres chers. Marie, sa soeur, était la seule famille qui lui restait avant qu'elle ne meure. Et Sofia était la seule à donner un sens à ma vie.
« Je viens de faire un putain de cauchemar. C'était... Je sais pas, ça semblait si réel.
- Et ?
- Et, quoi ?
- Et qu'est-ce que tu veux que j'y fasse ? T'as du mater un film d'horreur de trop.
- Ca n'avait rien à voir avec un film d'horreur. Je sais pas. C'était comme si je l'avais vécu.
- Bon sang, qu'est-ce tu veux dire ?
- Je veux dire qu'on devrait pas aller à l'Enfer cette nuit.
- Pourquoi ? Qu'est qu'y a ? »
Jé lève la tête vers moi. Il se met à rire.
« Putain, Dam, tu verrais ta tête. On dirait que t'as vu un mort ?
- Va te faire foutre Jé !
- Quoi ? C'est ça que t'as vu dans ton rêve ? Un mort ?
- On devrait pas le faire, c'est tout. »
Jé ne rigole plus. Il regarde à nouveau la photo de sa soeur. Il se souvient de la dernière fois que j'ai fait un rêve semblable.