Fragment #7 – En remontant l'Avenue Victor Hugo

Allons bon, Florian a disparu. Il n'est pas rentré à l'appartement cette nuit, et il ne répond pas sur son portable. Où faudra-t-il que j'aille le chercher, celui-là ? Maman nous a invité à dîner. Personne ne lui a dit que Julian était à l'hôpital, personne ne lui a dit que son fils est schizophrène. Maman ignore aussi que Florian a embarqué Léa on ne sait où. Maman ignore aussi que je suis gay.
Maman croit nous connaître. Me connaître.
Maman a tort.
Je remonte l'Avenue Victor Hugo à pied. C'est l'occasion de penser à plein de choses. A Robin, à la réaction de papa et maman quand ils apprendront que je ne suis pas hétéro. A la façon dont je le leur dirai, un jour. Alex me dit souvent que ça ne se voit pas, que je suis gay. Chez certains, ça se repère tout de suite. Ca doit vouloir dire que je ne suis pas efféminé, même si je ne suis pas le type le plus viril qui soit. Je me demande pourquoi les gays sont souvent si féminins. Si c'est voulu ou non.
Je pense à la fac de médecine qui reprend bientôt. A tout ce qui m'attend là-bas. Avec tout ce qui s'est passé cet été, avec Julian, je n'ai même pas pris le temps de réviser, alors que je m'étais promis de le faire. Je ne peux pas me permettre de rater le concours deux années de suite.
Elle est belle, ma ville. Dijon, je t'aime. Je ne te quitterai pas pour une autre, je te serai fidèle. Paris et Madrid m'ont étouffé. Trop grandes, trop peuplées. Je m'y sentirais perdu.
Voilà enfin le numéro 148. Notre maison d'enfance. Je passe le portail et traverse la cour de graviers bruyants. Sur les escaliers de l'entrée, je crois revoir Florian et ses amis, installés nonchalamment, quand ils étaient adolescents.
Il y en avais un que je dévorais des yeux.