Aldébaran
| Sujet: Fragment #4 - Miséricorde 09.04.08 21:59 | |
| Dimanche 4 juin 2006 à Chenôve Peut-on mettre sa vie en péril sans le vouloir ? Bonne question. Je me la pose depuis quelques minutes déjà. J’ai déjà eu des envies de suicide. Pas des vraies non. Des petites pulsions genre : « qu’est-ce que ça peut être beau, là-haut… si j’allais y faire un tour ? » J’ai déjà fantasmé sur les expériences de mort imminente. Mais sans jamais vouloir aller au bout. On se dit : « quelle connerie ça peut être tout ça ! » Là je me ballade dans Dijon. Je marche à pas rapides dans la rue de la liberté. C’est là qu’ILS sont tous. J’y vois des clodos que tout Dijon connaît. Un black reggae avec sa guitare ; un blond qui fait bien marrer quelques unes de mes amies ; Christelle essentiellement. Enfin bon, c’est surtout la foule bigarrée des grands jours. Des gens en costume traditionnel aussi. Je ne sais vraiment pas ce qu’ils font ici ! Je croise une blonde. Talons hauts. Pas un prototype du genre. Je me retourne sur elle. « Arrête de te montrer en public, Jed ». Ça ne se fait pas. Pourtant je ne peux pas m’empêcher de me retourner. Sur deux ou trois personnes. Pas pour regarder leur cul. Je le croyais au début. Mais c’est plus profond que ça. Une espèce d’envie d’en savoir plus sur eux. De regarder une tranche de leur vie. D’être eux un quart de secondes. « Ces talons me font mal. Pourquoi me regarde-t-il avec ces grands yeux. Je lui plais ? Oh, faites que je lui plaise… » « Qu’est ce qu’il a à mater ma copine lui ? Attends… C’est moi qu’il mate ? » « Cette robe me boudine… » Je suis un homme, grand, beau, brun. Puis une petite chinoise que son ami embrasse. Je suis un américain balourd arrêté devant le panneau des bus. Je suis tous ces gens ; les uns après les autres. Merde. Rentrer. Je dois rentrer. Il faut que je rentre. Maintenant. La voiture ? Où est la voiture ? Je redescends. Passe devant St Bénigne. Je continue un peu. Je marche au milieu de la route. Sans vraiment m’en rendre compte. Peut-on mettre sa vie en péril sans le vouloir ? Une voiture freine. Crissement de ses pneus sur le bitume. Je regarde le capot de la BM, les yeux dans le vide. L’homme me fustige. Il crie au ralenti. Je n’entends pas ses mots. Ses lèvres bougent. Tremblent. Ecument de colère. Sans émettre un seul son. Peut-on mettre sa vie en péril sans le vouloir ? Etait-ce un suicide raté ? Vous savez quoi ? Je n’en sais rien. Je ne sais même plus où je vais. Mes yeux s’élèvent un instant. Rempart de la miséricorde. Etes-vous miséricordieux vous, là-haut ? Ou n’est-ce que de la chance ? Pas de réponse. Pas de blanche colombe. Pas d’illumination. Seul un petit panneau bleu. Rempart de la miséricorde. Il me semble que je marche sur ce rempart. A tout moment, sur son arête, je peux en tomber. La chute. Infinie. Et au bout : le noir. Je trouve la voiture. J’entre. Je mets le contact. J’allume la radio. Je pousse le volume. Nightwish. Exit. | |
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