Fragment #8 – L'une ou l'autre

La petite rechigne à manger, mais j'aime pas l'engueuler, je suis comme ça. Maman lui fait les gros yeux et lui dit que si elle continue son cirque, elle ira finir le repas sur les genoux de son papi. Je jette un oeil à papa, toujours immobile, silencieux et mastiquant, et je me dis que y a de quoi lui foutre la trouille, à la gamine. Résultat, elle se met à pleurer, et je la prends dans mes bras le temps qu'elle se calme. Des fois, je repense à Marseille. On aurait été bien, là-bas. On aurait pu y rester. Parce qu'ici, finalement, qu'est-ce qui nous retient ? Lilian, il pourrait se trouver un nouveau coloc, moi je pourrais changer de job, en avoir un mieux, même, et papa et maman... ben ils s'en remettraient. Et puis je vais pas faire ma vie en fonction d'eux, je vais pas non plus toujours rester à la clinique, ni même à Dijon. Bon, ok, j'avoue, mon envie de partir, elle est un peu (beaucoup) liée au fait que Sally et moi, on se parle plus depuis quelques temps. Il faut dire que Sally, elle a un sale caractère. Elle me fait la gueule parce que, selon elle, je me la pète trop, je me trouve trop beau. Bon, d'accord, mais je suis pas moche et j'y peux rien. Et puis elle est pas mal non plus, elle, alors pourquoi elle râle ? On est sûrement les deux personnes les mieux foutues à l'hôpital, alors ça serait logique qu'on sorte ensemble, non ? Ok, ok, « sortir ensemble », c'est un peu exagéré, vu qu'à la base, ce qu'elle voulait Sally, c'était juste un « sex friend ». Mais bordel, pourquoi on pourrait pas passer à autre chose ? Moi j'ai envie d'un truc plus stable, plus sérieux aussi. Paul, il dit que Sally elle veut pas à cause de la petite. Il dit que Sally, elle me voudrait pour elle toute seule. M'enfin, c'est ma fille quoi, je vais pas la laisser dans les sales pattes de sa mère juste pour une nana, même si cette nana est la plus canon que j'ai pu mettre dans mon lit jusqu'à maintenant.
Je te laisserai pas tomber, ma puce. Jamais.