Aldébaran
| Sujet: Fragment #7 - Printemps Indien 09.04.08 22:05 | |
| Vendredi 9 juin 2006 à Chenôve J’adore ce temps. Le soleil brille de mille feux. Gigantesque boule de lumière dans le ciel. Ses rayons me frappent en plein visage. Je plisse les yeux. Je le sens sur mes épaules, sur mes bras et mes mains ; sur ma nuque. Il court sur moi. J’ai souvent cette sensation de jouer avec lui. Et soudain je suis en plein été. Le temps n’a pas fini de se détraquer. Si il fait si beau maintenant, à quel temps pouvons-nous nous attendre en juillet et août ? Je rentre quelques secondes dans ma cuisine. J’ai acheté des brugnons. Cela fait presque un an que je n’en avais pas vu, que je n’y avais pas goûté. Le balcon. Le transat. Mon corps exposé au soleil vorace. Dans ma main ce brugnon. Peau lisse et brillante, fine sous mes doigts. Je peux déjà presque sentir la chair. Je croque dedans. Cette chair orangée et juteuse… le goût explose dans mon palais, recouvre ma langue, danse, tourbillonnant contre mes dents. Et ce jus. Qui coule. Qui n’en veut plus finir de couler, le long de mon menton. Le long de mes doigts tachés en un instant. Je croque. Je croque à n’en plus finir. Butant sur le noyau. Tournant autour de lui pour ne plus laisser ne serait-ce qu’une once de chair juteuse. Je regarde ce noyau nu. Quelques filets de chair restent. Je les sens seuls. Je les laisse. Seuls. Peut être aiment-ils. Ce noyau je crois que c’est moi, un instant. Coquille de verre brisée, mise à nu. Et déjà si vrai et nu ; serein et dévoilé aux yeux des autres. Je me suis débarrassé de ma chair. Le jus a fui, colorant tout : les rues, ma famille, mes amis. Je me sens dur et vivant. Je suis l’essentiel ; renaissant déjà. Paré à combattre. L’existence ne gagnera pas. La non-existence plutôt ne passera pas. Et je ris. Je me mets à rire de ces idées bizarres. Me comparer à un fruit. Me comparer à la vie même. Je ris. Je ris à n’en plus finir sous le soleil qui réchauffe et court sur mon visage. Et mon rire s’étrangle en arrière-gorge. Je continuerai. Que vous le vouliez ou non. Je jette le noyau par-dessus la balustrade. Il semble voler. Mais la pesanteur reprend le dessus. « Et déjà c'est l'été. » | |
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