Fragment #12 - Eurêka

Tout corps plongé dans un liquide…
Archimède me revient en mémoire alors que j’entre dans l’eau froide.
La physique, c’est fini pour aujourd’hui, merde !
Bac. Histoire et physique. Ca restera dans les annales. Peut-être pas dans les meilleures copies.
Mais maintenant, je cherche à oublier. Tout d’abord en tentant d’entrer dans l’eau glacée de cette piscine. Le soleil commence à baisser, mais il fait toujours chaud. Et le contraste est saisissant entre mon torse et mes jambes. Soudain, je suis deux. Ma tête qui continue à penser et le bas de mon corps –pieds, jambes, sexe– en endormissement passager.
Il paraît qu’on peut en mourir.
Non.
Ça ne sera pas pour aujourd’hui.
C’est ce contraste qui me définirait aujourd’hui. Entre la chaleur et le froid extrême. Entre mon extérieur et mon intérieur. Entre mon sourire quotidien et ma morosité sous-jacente.
Alex n’est plus là.
Pourtant, mon cœur bat toujours ; moins vite, certes. Je suis aquatique en ce moment. J’aime l’eau. Elle me protège. C’est elle qui entoure l’île. Le Continent Sombre.
J’entre en entier. Mon torse, ma tête, plongent sous l’eau en un soubresaut.
Il paraît qu’on peut en mourir.
Non.
Ça ne sera pas pour aujourd’hui.
Je suis entièrement englué, recouvert, submergé par l’eau froide de la piscine que mes parents ont mise en eau à la fin du mois de mai.
Le chaud a disparu. Le chaud n’est plus.
Je suis sourd.
Je suis coupé du monde extérieur maintenant. Coupé du bac. Coupé d’Ariane, d’Alex, de ma famille, de ma vie.
« Gare au loup tapi en toi, Jed. »
Mais il s’en va maintenant, il s’échappe. Il a peur de l’eau. Son élément, c’est le feu. Le chaud, celui qui brûle et fait souffrir. Celui qui purifie dans la douleur.
Celui-là est éteint. Ou ne peut plus s’allumer.
Pour l’instant.
Je l’ai étouffé. Je me suis retrouvé.
Eurêka.