Fragment #5 – Reniflements suspects

« Je suis épuisée. Le cours d’aéro-step m’a achevée. »
Elle farfouille dans son frigo, revient avec une canette de Red Bull.
« Pourquoi tu bois ces conneries, Sylvia ?
- T’inquiètes, c’est du light. » Me répond-elle en l’ouvrant. Elle boit une longue gorgée.
« J’en bois parce que moi aussi, j’ai une vie épuisante, figure-toi. Ca te gène si je fume ? »
J’ai envie de lui crier que oui, ça me gène, parce que MOI je fais des efforts pour arrêter, pour reprendre une vie SAINE et que si elle s’en fout, elle ferait mieux de se trouver quelqu’un d’autre.
« Non, bien sûr, vas-y. »
Je respire profondément tandis qu’elle allume sa cigarette. Bizarrement, à la voir fumer comme ça, ça me coupe toute envie de recommencer. Il fait beau, et ses cheveux ont un éclat magnifique. Elle est longue et fine comme une clope, sauf qu’elle, brûle par les deux bouts. Son téléphone sonne. Comme environ cent fois par jour. Elle parle en espagnol, alors je ne comprends rien. Donc je l’observe. Elle tire une latte, se gratte le nez, recrache la fumée dans une phrase au débit impressionnant, renifle. Se gratte à nouveau le nez, boit un peu de cette merde bourrée de caféine. Renifle. Se gratte le nez. Oh merde. Elle raccroche.
« Il y a quelque chose dont tu voudrais qu’on parle ? » Elle me regarde sans comprendre. Renifle sans même s'en rendre compte.
« Quoi ? J’ai oublié de prendre des nouvelles de ton chat ?
- J’ai pas de chat.
- On s’en fout, Lulla. Qu’est-ce qu’il y a ?
- Tu veux un mouchoir ? Je trouve que tu renifles beaucoup. » Ses yeux me pénètrent d’un feu glacé. Elle se demande si je sais. Je confirme : je sais.
« Fuck you.
- Tu fais vraiment de la merde, chérie. »
Je me lève calmement, prends mes affaires, ouvre la porte. Mes lèvres commencent à trembler alors que j’arrive dans la rue. La fille que j’aime se suicide à petit feu et refuse de s'accrocher à l’aide que je me tue à lui lancer.