Fragment #87 - Une question pour une autre

Je n'arrête pas de jouer avec mon portable depuis hier. Je ne le lâche plus depuis que Laura m'a répondu. Je le fais tourner encore et encore dans ma main. De temps en temps, je vérifie si je n'ai pas de messages, même si je le saurais tout de suite puisque le téléphone ne quitte pas ma main.
Il y a un petit rayon de soleil qui réchauffe un peu la terrasse au cinquième étage du boulot. Appuyé sur le bord, je regarde passer les gens en contrebas. Lille ne change pas. Je ne sais pas si c'est bien ou mal. Je ne change pas. Pas vraiment. Qu'est-ce qui me retient de renvoyer un message à Laura ? Qu'est-ce qui me retient de vivre heureux, de vivre pleinement ma vie ? Je ne sais plus trop. Sofia ou moi ? Probablement un peu des deux. Au fond de moi, je suis toujours amoureux de Sofia, de mon petit ange. Elle m'a sauvé. Je l'aime, c'est tout. Elle doit être la seule personne à qui j'ai jamais su le dire, et à qui je voudrais encore lui dire. Mais je désespère. Chaque jour, je me plonge dans son carnet, à la recherche d'un indice sur le lieu où elle se trouve. Mais rien. Rien. Juste ses pensées qui me déchirent un peu plus le coeur à chaque fois. Je lui manque autant qu'elle me manque, mais elle ne veut pas revenir. Qu'est-ce que j'ai fait ? Cette question m'obsède. Qu'est-ce que j'ai bien pu faire pour qu'elle parte ? Et pourquoi se sent-elle coupable à ce point ? Et de quoi ? Dans une semaine, cela va faire deux ans qu'elle est partie. Deux années complètes, sans autres nouvelles que ce carnet. Elle n'a voulu voir que Claire, et elle est passée alors que j'étais parti. Aaaaargh. Putain de merde !
Je reste de longues secondes à regarder droit devant moi dans le vide. J'ouvre à peine la bouche pour lâcher quelques mots dans le vent froid.
« Sofia, je t'aime. Où que tu sois. Mais je dois avancer. M'en veux pas. »
Mes doigts survolent les touches de mon portable. Bonjour. Content de savoir que tu vas bien. Je ne sais pas quand, mais un thé au pied de Montmartre, ça te dirait ? Dam.
Envoi. Je range le portable dans ma poche. Un dernier regard vers le vide. Je t'en supplie, ne m'en veux pas.