Altaïr
| Sujet: Fragment #264 - L'Autre 12.04.08 17:51 | |
| Lundi 30 juillet 2007 à Rome De la lumière filtre à travers les frondaisons. La chaleur, même à l'ombre, est épouvantable et les discussions romaines, alentour, pénètrent mon champ perceptif. Moi, les yeux fermés, allongé sur un banc de pierre dans un jardin, non loin de la villa Médicis, je somnole et savoure la douceur des vacances loin de Dijon. La cigarette entre mes doigts va et vient jusqu'à ma bouche avec régularité, et emplit mon souffle de sa mort en attente. J'adore ça. L'enfant espiègle étire son sourire malicieux sous des cheveux en bataille. La nuit je revois l'étendue couleur de paille. Les bottes de foin immobiles dispersées en troupeau. Et les champs calcinés par le feu qui a jailli de mes mains. Et je sais, et je sens, que quelqu'un me regarde. Nous nous connaissons depuis longtemps. De retour dans la réalité. Laetitia et son corps. Le lit imbibé de sueur. La chambre d'hôtel. Rome. Le souvenir s'efface pour laisser place à mon indifférence. Mes doigts qui courent sur le lit et l'échine de mon amante. Laetitia se déverse en moi comme une rivière. Elle a forcé les barrages de mon Moi et désormais s'y écoule sans mal. Je deviens ce que je ne suis pas. Ce que je suis. L'Autre. Comme c'est agréable ! Libéré de mon carcan d'interdits et de peurs, je me sens revivre. Les litanies perpétuelles de Julian me fatiguent. Toujours à se plaindre, à se questionner sur le sens des choses. Je suis ce qui vit en lui, sous les strates, derrière les profondeurs. Je suis ce qu'il a toujours craint de voir émerger, car il me connait et il SAIT combien je suis plus fort que lui. Maintenant le processus est inversé. Approche, Laetitia, que je te déshabille, que je te baise. Tu es à moi. Je le vois dans tes yeux. Nous nous méprisons mutuellement, et je m'en fous. Tu m'es bien utile, et je te tiens compagnie. Je suis ton chien. Tu es ma chienne. De quoi croyez vous que je parle ? Ici, c'est la réalité. Le monde est ainsi fait. Moi en toi et nos corps qui se courbent. Et nos lucidités percent le mystère de ces vains rituels. Lorsque je vois ton visage embrasser la table pour recueillir du pollen blanc au creux de tes narines, je te trouve affreusement belle et je voudrais que tu me - Non ! Laisse moi sortir ! Enfermé dans mon corps, je regarde le monde qui se meut et mon Moi qui n'est pas moi s'articuler contre ma volonté. Je hurle, et ma voix en silence déchire les fondements du monde. | |
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