Fragment #463 - Perdu(e)

Réveil difficile. Gueule de bois. Mal de tête. Bouche pâteuse. Boire m'aide à dissoudre les pensées de Malvo, mais une fois les effets dissipés, j'ai peur d'entendre encore sa voix sourdre à mon oreille, et plus je pense, plus le flux de ma conscience me rappelle le psychisme de Julian, et plus je suis perdu(e).
Simon a dormi sur le canapé, il ne voulait pas rentrer chez lui et déranger Laura à une heure tardive. D'après ce que j'ai cru comprendre, leur couple traverse une période de crise. Je ne sais pas si j'en suis ravi ou non, si je veux les voir souffrir ou les voir heureux, et cette confusion à l'intérieur même de ma personnalité me laisse deviner combien ils m'ont infecté.
Juliette et Sergueï préparent le petit déjeuner. Il est environ quatorze heure du matin, nous sentons tous les quatre la sueur et l'odeur du sommeil. Nous avons dansé toute la nuit dans une boîte minable, bu plus que de raison, et aucun d'entre nous n'a ramené quelqu'un dans son lit, parce que personne ne nous plaisait.
Tu ne plais pas, Maya ?
La ferme, Malvo.
Tu ne plais pas, Maya.
La ferme ! ILS ne me plaisaient pas !
Laisse-moi parler à tes amis. Ils vont me guider jusqu'à la source de ta destruction.
Non, ils ne savent rien. Ne fais pas ça...
« Il faut que je vous parle, je lance aux trois autres. »
Juliette, Simon et Sergueï relèvent la tête vers moi. Le ton de ma voix a changé, aussi sont-ils un peu surpris.
« Je suis revenu ici parce que je cherche quelqu'un. »
Leur regard m'exhorte à poursuivre.
« Elle s'appelle Maya Sélim. »
NON ! Comment oses-tu, sale fils de chien ! Je ne veux pas qu'on m'amène devant elle ! Je SUIS Maya Sélim, elle n'existe pas !
Tu réaliseras peut-être, une fois devant elle, que tu n'es qu'une pâle copie créée par Julian, et donc que tu ES Julian. Tout comme je suis issu des images de Michelle, de Louis, de Romain et de Maura. Nous sommes Julian, un miroir assez perfectionné pour croire que nous devenons les autres. Je vais la placer devant toi, tout comme le destin a placé Joan face à lui-même, et ainsi te faire retourner au néant.
C'est FAUX, tu MENS, je te HAIS !
Tiens-toi tranquille, Maya. J'ai promis de t'éradiquer comme on élimine une maladie. Et je le ferai. Je t'empêche de reprendre le contrôle.
« Et tu comptes la trouver où, cette Maya ? demande Juliette en croquant dans une biscotte.
- J'ai besoin que vous m'aidiez à la retrouver. C'est une ancienne amie de fac.
- Je connais une fille qui s'appelle Sélim, lance Simon. Mais c'est bizarre. Ca peut pas avoir de lien...
- Le monde n'est pas si grand, tu sais, je réponds.
- Oui mais... Cette Sélim là, elle était à New York ! Je l'ai rencontrée là-bas pendant mon stage de scénario. C'était une danseuse. Angela Sélim. »
Je me souviens. Sethi, dans l'église Notre Dame, à Dijon. Il m'a parlé de cette fille.
« Angela, oui. C'est sa cousine. Une danseuse originaire de-
- De Bruxelle, finit Simon.
- C'est elle, je confirme. Elle saurait où est Maya ?
- Je sais pas...
- Moi, je connais quelqu'un qui sait sûrement où elle est. »
Nous nous tournons vers Sergueï, sourcils haussés.
« Maya, c'était une amie de mon frère. Il m'a beaucoup parlé de vos histoires de Clan.
- Hein ? fait Juliette, laissant tomber un bout de biscotte dans son bol de café.
- Je m'appelle Sergueï Novotny, Julian. Novotny, ça te rappelle rien ? »
Mon regard se durcit. Mon corps se rigidifie. La vérité approche et palpite.
« Tu es le frère de Piotr Novotny. »
Sergueï acquiesce, savourant son petit coup de théâtre.
« Il saura sûrement ce qu'elle est devenue, ta Maya. Le problème, c'est qu'il va falloir lui demander. Et là, il est en prison. »