Aldébaran
| Sujet: Fragment #23 - Impitoyable 09.04.08 23:37 | |
| Mercredi 12 juillet 2006 à Chenôve Il faut être impitoyable en amour, tu m’avais dit. J’ai commencé à comprendre ce que tu insinuais. Tout ça n’est qu’animal en fait. On se met avec quelqu’un pour arrêter de souffrir seul. Puis on projette ses souffrances sur l’autre ; et on le noie dans ses fissures, dans ses brèches que l’on n’arrive pas à combler. L’amour, en un sens, c’est toujours pareil. On finit par penser à ses exs, et on laisse l’autre face à son désespoir de n’être pas comme on le voudrait. Ma Desdémone, je n’ai jamais pu être à toi parce que j’étais trop. Trop différent, trop aimant, trop dévorant. On finit par noyer l’autre dans notre amour. J’ai changé. Je suis de retour sur MSN. A livrer mon intérieur à quiconque veut m’écouter, quiconque pourrait me comprendre un tant soi peu. Mon contact préféré, un parisien. Mon pseudo n’a toujours pas changé : Au plus bas. Je passe mes journées devant l’écran, le visage éclairé en contre-jour. Lumières bleutés. Repas quotidiens à côté de mon clavier. Saveur passagère de cacahuètes, d’immondices salées et sucrées. Et je parle. Je parle. Je parle. Je ne sais plus m’arrêter. Je parle à n’importe qui. Au hasard des tchats, des sites de rencontre, des forums. Je parle de n’importe quoi à n’importe qui. Je me fais expert. Expert de Boris Vian. Expert de Bach. Expert de Zimllievski, obscur cinéaste russe. Les gens me croisent sur la toile. Les gens me croient. Je mens comme je peux. Je suis immortel. Il faut être impitoyable. Gayvox dans google. Je double-clique sur le lien. Mon profil est fait. J’ajoute une photo. Puis je pars à la recherche. Mon discours est explicite. Je veux être moins que rien. Baiser. Rapidement. C’est tout. Je chauffe ceux qui me plaisent. Tente tout de même d’avoir une photo. Je discute avec tous. J’ai chaud avec ce temps, je transpire, les moustiques rôdent. A peine sorti de la douche déjà je suis humide. Mes yeux clignent à forcent de rester immobiles devant l’écran. J’ai des crampes aux doigts à force de taper sur les touches. J’aimerais tant me faire saigner. Je parle à tout le monde. Certains me répondent, d’autres pas. Je leur donne mon adresse MSN. C’est plus rapide. Mais tout ça en devient trop irréel pour moi. Cyber-caresses. Cyber-mots-d’amour. Cyber-clins-d’yeux. Je veux du réel, du vrai, du cul. Libérer les chairs, envolés les esprits. N’être qu’un morceau de chair pendant un instant. Pénétrez-moi de votre non-amour, de vos non-dits, de votre mal-être. J’apprendrai à évacuer votre honte pédérastique par les liquides corporels. J’ingurgiterai tout. Je serai celui qui souffre pour vous, celui qui accepte d’accueillir vos incompréhensions face au monde. Pénétrez-moi de votre haine, de vos crachats, de vos tremblements. Je serai chienne. Impitoyable face à moi-même et face au monde. | |
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