Fragment #116 - D'une famille à l'autre...

« Bon mais alors, concrètement, t’en es où là ? »
Je porte une cigarette à mes lèvres et l’allume en aspirant une grande bouffée de l’âcre fumée. J’ai pris cette mauvaise habitude depuis quelques temps… Je crois que ça me détend. Au moins ça m’en donne l’impression…
Où j’en suis ? C’est tellement simple… et compliqué à la fois !
C’est, je pense, un peu le but de cette soirée que les filles ont organisé. Avec tout ça, Théo, l’appart’, et puis maintenant avec le retour de Julian dans ma vie - et a fortiori mon retour chez mes parents – je crois que je ne les ai pas vues depuis un siècle !

J’inspire une nouvelle bouchée d’air polluant avant de répondre :
« Bah comme je vous l’ai expliqué, Julian est revenu. Il a changé. Il veut qu’on essaye d’avoir une vie de famille « normale » avec la petite. Tous les trois… »
Je les connais. Parfaitement. Rien qu’à leurs petits regards baissés et plein de sous-entendus, je sais qu’elles n’approuvent pas cette décision.
« Je sais que vous n’approuvez pas. Pas la peine de vous faire des regards en coin là, j’vous vois ! »
Zoé prend la parole au nom de toutes :
« Ecoute Lola, on est tes amies, c’est normal qu’on s’inquiète… On t’a tellement vue souffrir à cause de tout ça, on t’a ramassée tellement de fois… On voudrait pas que ça soit encore un plan machiavélique de Monsieur Mahogany et qu’après tu sois encore blessée… Tu comprends ?
- Je sais les filles. Et c’est aussi pour ça que je vous aime ! Mais faut me comprendre. Je DOIS essayer… Pour moi, pour nous, pour ma fille. Je ne peux pas passer à côté de la chance de lui offrir un VRAI père, et qui plus est LE SIEN !
- Mais tu crois qu’il est sincère ? Vraiment… ?
- Je sais que vous ne le connaissez pas comme moi. Mais Julian, c’est comme une partie de moi. Je sais ce qu’il pense, ce qu’il y a en lui, rien qu’en regardant dans ses yeux… Et ces derniers temps, quand on s’est revus, j’ai vu des choses que je n’avais jamais vues avant… Ou alors il y a bien longtemps. Tellement plus de paix, de quiétude, de douceur. Je crois que quelque chose s’est passé en lui, et que les Ombres sont enfin parties.
- Bon… T’as l’air encore plus amoureuse qu’avant ma pauvre !
- Ma pauvre ?! Rassure-toi rien n’est fini pour moi hein ! Je ne sais pas encore de quoi demain sera fait pour nous, mais je veux faire ça bien. Autant pour Koko que pour Julian et moi. J’veux faire de ma vie ce dont j’ai vraiment envie… Ce pour quoi je suis vraiment faite. Ca prendra le temps que ça prendra, mais je veux renaître après tout ça…
- Bah bravo… ! Et dans ta nouvelle vie, j’imagine qu’il y aura plus de places pour tes quatre plus vieilles copines hein !
- Bah tu sais, je vais tout reprendre à zéro en éliminant ce qu’il y avait de mauvais dans ma vie… Donc il est très probable que je ne vous parle plus oui… »

A peine j’ai fini de prononcer cette phrase que je sens quatre paires d’yeux se lever vers moi, moitié interloqués, moitié choqués, et autant de bouches entrouvertes… j’éclate de rire devant ce spectacle !
« Ah la vache les filles vous verriez vos tronches là ! C’est juste magnifique !! Mais bien sûr que nous j’vais pas vous oublier ! Ca va pas ou quoi ?! Qui va me ramasser à la petite cuillère si ça foire ? Et qui va pourrir Kokhavah de cadeaux pour Noël si elle n’a plus ses Tatas !?
- Bon allez, maintenant qu’elle a fini de repeupler la planète, on va pouvoir lui bourrer la gueule : Gwen, sort la Vodka Black… Tu vas nous payer ça ! »

Je profite de ce petit moment d’euphorie pour attraper mon téléphone et composer un message pour Julian :
« On sera peut-être seuls contre tous, mais l’important c’est qu’on soit ensemble. Tu es ma famille… Tu me manques chaque seconde. »