Fragment #117 - Et le futur se met peu à peu en place

Je me glisse enfin entre mes draps de petite fille, dans ma chambre d'enfant. La seule personne qui me rappelle que je suis devenue une adulte dors juste à côté de moi, dans un petit berceau immaculé. Quand je la regarde, c'est de plus en plus Julian que je vois. Elle lui ressemble un peu plus chaque jour. C'est sûrement ça qui me pousse à prendre mon téléphone :

"Allo Julian ?
- Lola ?
- Hey coucou... Comment tu vas ?
- Je vais bien, et toi ?
- Ca va... J'avais envie d'entendre ta voix...
- Désolé de ne pas appeler plus souvent, à vrai dire c'est pas que je manque du temps, mais j'ai peur de t'embêter... J'ai toujours du mal à croire à ce que je vis...
- Bah faudrait t'y faire hein ! Non mais rassure-toi, c'est loin d'être un reproche... C'est pas parce que nous deux on est de nouveaux ensemble que j'veux connaitre ton emploi du temps à la seconde ! Mais là j'viens de me coucher, et j'sais pas... J'avais envie de t'entendre.
- Tu veux que je t'envoie quand même mon emploi du temps par la poste ?
- Mmm pourquoi pas, après tout j'suis ta petite amie non ? Je crois que ce statut me donne le droit de te demander ça... !
- Tiens, mademoiselle Lola Sinclar, ça vous dirait pas de vous installer à Paris avec moi prochainement ? Y a un appartement qui vient de se libérer de manière... comment dire... intempestive, un étage plus haut...
- Heu, t'es sérieux ou j'dois prendre ça à la rigolade ?!
- Heu, je sais pas, tu pourrais reprendre l'appart d'un gars qui s'est jeté du quatrième étage ?
- Heu, en même temps ça ne fait pas de l'appart un lieu hanté si ?! Pis bon... J'ai bien fait un enfant à un mec un peu fou... J'dois pouvoir gérer ça ! Je crois... !
- Eh, je suis pas fou, Lola, je me soigne tu sais... Et puis c'est familial, alors c'est pas ma faute si je suis comme ça.
- Je te rappelle, au cas où tu aurais pris cette réflexion comme un reproche, que tu parles à Lola Sinclar. La nana qui t'as aimé avec, et malgré tout ça. Qui a su te suivre, te comprendre, te faire un enfant... Et qui veut emménager avec toi aujourd'hui. Je ne crois pas que ça m'ai réellement posé un problème un jour !
- Oui, mais bon... A l'époque j'étais juste un mec un peu tourmenté, et maintenant c'est écrit noir sur blanc : je suis victime de troubles schizophrénique.
- Ce n'est pas le nom que des médecins ont pu mettre sur toutes les ombres en toi qui me fera plus peur... Je te connais. Je sais que tu as été capable du pire, et qu'il nous reste tout le meilleur à vivre. Ce n'est pas les médicaments qui te feront plus guérir. C'est la petite, la voir grandir, apprendre à t'en occuper... Voir combien je t'aime.
- Je t'aime...
- Je crois que mes joues ont fait fondre le téléphone en rougissant là ! ...
- Ah zut, je t'envoie un nouveau téléphone par la poste, avec mon emploi du temps ?
- Garde tes sous ! On va déjà te coûter bien assez cher avant que je puisse trouver du boulot... Je vais essayer de me trouver quelque chose rapidement, mais tout dépend de quand on peut venir ?
- Eh bien... pour être franc, je n'y ai pas encore réfléchi. Tout à l'heure, j'ai dit ça pour rire, mais c'est vrai que je pourrais me renseigner... Si ça se trouve, on pourrait récupérer l'appartement du type... Ou même un autre, il doit bien y en avoir quelques uns de disponibles !
- Tu crois que tu pourrais nous supporter ? J'veux dire parfois Kokhavah pleure encore un peu la nuit, et surtout là, si elle est dans un nouvel environnement... J'veux dire tu te sens près pour nous ?
- Tu sais des fois je me relève la nuit pour aller boire un coup, c'est chiant aussi ! Tu crois que Kokhavah va me supporter ?
- Mmm, faut voir ! Je lui poserai la question... D'ailleurs je l'entends gazouiller là ! Elle dort dans ma chambre depuis qu'on est de nouveau chez mes parents... Je crois qu'elle sait très bien à qui je parle. Tu sais, parfois, malgré le fait qu’elle soit encore si petite, j'me dis qu'elle a vraiment ton esprit, vif et perçant !
- J'espère qu'elle gardera que ça de mon esprit, tu sais... Ca me fait peur, ça aussi. Je sais que c'est pas super rassurant de montrer que j'ai des craintes, pas très protecteur, pas très viril non plus, mais j'ai envie d'être le plus sincère possible avec toi. Avec vous.
- Tu sais quoi ? Je crois que ta sincérité, c'est ce qui me rassure le plus. Je ne te demande pas d'être parfait, bien loin de là. Mais au contraire d'être honnête avec nous, d'être là simplement, de nous laisser t'aimer et t'apprendre à être heureux. Et puis tu sais, comme tu l'as dit, tu n'as pas eu un environnement très propice à la paix mentale... Nous on créera un vrai petit cocon à notre fille, et on la protègera de tout ça...
- Si le but est de ne pas ressembler à mes parents, je pense pouvoir y arriver sans problème !
- Alors ça nous promets que du bon tout ça... J'y crois. J'ai confiance…
- Je rentre en fin de semaine prochaine, pour les vacances, je pense. On se verra à ce moment là, d'accord ?
- On aura un peu de temps ensemble tu crois ? Enfin j'veux dire, j'veux pas être trop accaparante Julian tu sais... Mais j'ai l'impression qu’on n’a même pas eu le temps de fêter nos retrouvailles comme il se doit !
- C'est vrai, c'est vrai, mais... A Dijon je suis obligé de squatter chez mes frères, et ils sont souvent là... J'ai peur que ça ne doive attendre notre emménagement parisien...
- Sinon je dois pouvoir me débrouiller pour avoir l'appart de Zoé pour une soirée... Enfin on verra.... Tu sais ce que j'aimerais ?
- Non, dis-moi ?
- Je ne sais pas si tu pourras... ou voudra... mais je voudrais qu'on passe Noel ensemble, toi Kokhavah et moi. -mais je comprendrai que tu ne sois pas prêt, ou que tu ne veuilles pas... c'est peut être trop tôt...
- Je... je sais pas, Lola. Même si ça me plaît pas trop, l'idée de passer Noël avec mes parents... ça reste mes parents. Et puis il y a mes frères. Et puis ils vont dire quoi, les tiens, de parents ?
- Heu... tu sais, Zoé, vu qu'elle est avec Christophe depuis un moment, je crois que pour Noël ils font le midi chez les parents de Zoé, et le soir chez Christophe... C'est une sorte de compromis. Et puis l'hiver dernier, Lilian avait l'air de dire que tes parents, ta maman au moins, aurait voulu connaître la petite... Enfin je dis ça... C'est toi qui vois.
- C'est pas ma mère, le problème, en fait...
- Je sais... On prendra le temps qu'il te faut si tu n'es pas prêt à présenter la petite à tout le monde... Je comprends tu sais.
- Tu as déjà vu mon père, tu sais comment il est...
- C'est justement parce que je l'ai déjà vu que je ne te mettrai jamais la pression par rapport à ça...C'est juste que mes rêves de petite fille de Noël en famille me reprennent un peu parfois !
- Ca viendra, un jour...
- Mince, la petite commence à pleurer. J'vais devoir raccrocher et aller voir ce qu'elle a...
- Fais lui un gros bisou de ma part, ça la calmera peut être...
- J'espère ...! En tous cas moi je t'embrasse fort. J'ai hâte que tu sois là...
- Ca va venir très vite... Je t'embrasse fort ma chérie.
- Dors bien, tu me manques. Je t’aime. »

Je pose le téléphone sur ma table de chevet et m'apprête à aller calmer ma petite Princesse qui s'impatiente dans son berceau, quand il sonne de nouveau...